mercredi 10 mars 2010

> La « Démocratie sociale » et la Cour de Cassation.



«Le droit du travail est une discipline vivante souvent considérée comme complexe, d'accès difficile et en perpétuelle évolution» écrit un éditeur en présentation d’un livre qu’il offre à l’achat, «Travaux dirigés de droit du travail» paru en octobre 2008
Vivant, complexe, difficile à vivre, le Code du travail, en effet. Cet empilement greffier des luttes sociales a, de pierres sèches, monté un des murets de notre démocratie. Mais son ordonnancement dérange.Au-delà d’adaptations nécessaires, naturelles, liées au temps qui passe, sa structure est devenue pour certains si «idéologique» au regard de la Bourse qu’il leur devint urgent de s’y attaquer, au détour d’un moment de faiblesse sociale. Sans détour, il leur fallait casser.
C’est une discipline tellement «vivante» que ce gouvernement n’a de cesse de le dénaturer, à la demande du Medef, avec qui il partage les chevaux de l’attelage. C’est donc bien qu’il y a des enjeux.
Le véhicule principal du convoi funèbre est la «Loi du 20 août 2008», dite «portant rénovation de la démocratie sociale». Le temps nous dira très vite que l’image est osée, sauf à concevoir qu’une balle dans la tête de quelqu'un le rénove.
Élaborée et votée à la hussarde, la «Loi du 20 août 2008» porte en elle une réforme de la représentativité syndicale qui n’en finira pas de générer un contentieux judiciaire ininterrompu, comme le reflet d’une démocratie malade.
Taillée comme un costard pour quelques initiés institutionnellement utiles, elle est le prix et le liant de taisances sur des réformes lourdes qu’ils auraient seuls examinés avec l’Executif. Cette loi est le masque pour ne pas voir. Elle est la lance à éteindre l’incendie social à naître.
Vous dites qu’existe un document émanent des «partenaires sociaux», une «position commune du 8 avril 2008» (document attaché en pdf) ? Oui, il existe bien un document que l’usurpation de mots a qualifié de «commune». Mais ce document, largement relayé dans la presse, s’il s’était intitulé «position commune du Medef, de la CGPME, de la CGT, de la CFDT» (4 sur 8 organisations) aurait plus facilement donné un sens à l’initiative… prise par des organisations représentant moins de 44% des salariés.
C’est cet attelage là qui allait autoriser un recul sans précédent des droits des salariés, des droits syndicaux par une loi dite de «démocratie sociale». Mais de quelle «démocratie» parle t'on quand des lois organisent des «logiques majoritaires» ? Que des organisations syndicales salariées s’y soient prêtées étonnera longtemps les plus naïfs, qui voient se repointer le museau du syndicat unique.
Il n’est pas étonnant que le Président de la République ait voulu lâcher du mou en jouant «gagnant/gagnant» au rayon des marchandages, donnant des gages pour sa tranquillité sociale, et qu’il ne se soit pas penché aussi sur une «réforme» des syndicats patronaux. Mais que des organisations syndicales, au motif de «mieux contrôler» le pré carré revendicatif s’y soient prêtées si aisément laisse encore perplexe.
Le Medef peut se réjouir: sans coup férir, et alors que 5 millions de salariés des TPE échappent à toute représentation syndicale, il aura atteint un objectif de taille: affaiblir de façon durable ceux qui le gênaient encore un peu. En acculant les syndicats ouvriers à des regroupements pour s’exprimer, l’organisation patronale espérait bien semer la division. Voilà qui est fait. Mais aussi, quelle rigolade pour l’Exécutif politique, qui fait le ménage dans les syndicats alors que le nombre de partis politiques croit de façon exponentielle !
Que va t’il donc découler au principal du chamboulement intervenu?
Que va gagner le syndicalisme à voir mourir des syndicats?
Que va gagner le salariat à la professionnalisation du syndicalisme (pour ce qu’il en restera) que la Loi induit ?
Quel sens donner à la réforme de la représentativité ?
C’est pour ne pas avoir répondu par avance à ces interrogations et que rien ne fut débattu au jour que la «Loi d’août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale», la mal nommée, a pris ses habitudes à la Cour de Cassation de la République. Il n'est qu'à voir les deux arrêts rendus le 10 mars 2010, pour voir se confirmer que le patronat, revenu de croisère, s'amuse. Il n'aura de cesse d'encore et toujours enfoncer un coin dans une plaie ouverte par cette Loi.
Elle y a planté sa tente, parce que un an et demi après la promulgation de cette Loi de connivences, commencent à pleuvoir les décisions jurisprudentielles, qui sont l’apanage et le cautère des textes votés à la va-vite.
Ici, le juge n’a rien de moins qu’à donner son avis sur l’importance nouvelle qui a été donnée (à peu de frais) aux pouvoirs juridiques de l’employeur. Mais il ne sera pas le seul à se pencher sur l’inacceptable. La Cour européenne des droits de l’homme s’y mettra à terme, au regard de l’article 11 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales.
Chacun a la dessus son avis. Francis Lefebvre Formation, prétend que c’est parce qu’elle entendait encourager le dialogue avec des organisations fortes, légitimes et responsables que la loi du 20 août 2008 a été élaborée, et de se plaindre que «le Tribunal d’instance de Brest vient de semer le trouble en jugeant la loi du 20 août 2008 contraire au droit européen», ajoutant que «La Cour de cassation pourrait bien casser cette décision, ce qui règlerait le débat mais un recours devant le BIT (Bureau International du Travail) a été déposé par le syndicat Force Ouvrière le 2 décembre dernier». "Régler le débat", voilà qui serait pratique! Mais non, il commence à s’ouvrir, parce qu’il n’a pas eu lieu avant.
Alors, Francis Lefebvre, invite à «comprendre et maîtriser la réforme de la démocratie sociale» et ses «nouveaux enjeux» et crée des sessions pour «cerner et anticiper les conséquences pratiques» de la réforme. Dates de sessions : 16/03/20 Lieu : LYON Prix : 935 € HT ou à Paris le 8 avril 2010, 935 euros HT.
Une information qui n’est pas à portée de toutes les bourses !
Il faut croire que le code du travail est devenu une telle usine à gaz, qu'il faut bien l'expliquer aux employeurs et aux avocats, puisqu’il n’est pas une structure juridique qui ne dispense des cours de rattrapage à ces élites… comme si des vices cachés devaient s’épanouir dans les textes, qu’il fallait dompter pour que l’entreprise vive heureuse.
Ainsi, Comundi propose une «journée d‘étude» pour «faire le point sur la réforme de la représentativité (la loi du 20 août 2008) à la lumière notamment des récentes décisions de la Cour de cassation.». Tiens, eux aussi voudraient se mettre au clair?
Il y aurait bien des enjeux, donc. C’est combien ? 1040 euros TTC la journée…
Entre quitus et extrême-onction, sur son bateau qui prend l’eau, la «démocratie sociale» va devoir ramer un peu.
Ce serait l’honneur d’un pouvoir exécutif nouveau de faire cesser le trouble de cette Loi, pièce d’un puzzle qui brimera nos libertés jusqu’en 2012.



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