«On ne peut pas, tout en faisant grève, vouloir négocier et penser obtenir plus. Soit on négocie, soit on fait grève", dit le premier petit cochon, qui a peur que son poste s'envole.
"Tout le monde s'accorde à dire qu'aujourd'hui il y a trop de grèves à la SNCF. Ma méthode, c'est on négocie avant, et la négociation rapporte plus que la grève" rajoute Guillaume Pépy, président de la SNCF. La dialectique qui peut casser des rails après les briques.
Il faut se le tenir pour dit une fois pour toutes: faire grève pour obtenir plus, c'est de l'ancien temps. C'est l'histoire du mouvement ouvrier passé au laminoir d'un diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris et ancien élève del’ENA, promotion Louise Michel (1984).
Louise Michel doit s'en mordre les lèvres et ne pas y retrouver ses petits bourgeois malgré elle. Aujourd'hui, elle aurait fait protéger son nom à l'INPI.
Voilà qu'on nous présente l'image d'un président de la SNCF qui dit «non !» à cause de «tout le monde». On se souviendra de ses excuses à Nicolas Sarkozy pour trouver l'origine de la fougue de cet expert qui explique aux salariés citoyens comment et pourquoi il ne faut pas user du droit de grève. On tremble à l'idée qu'il se serait syndiqué dans un syndicat non représentatif...
En fait, les enjeux dépassent l'anecdote.
Il s'agit cette fois de briser dans l'œuf toutes résistances civiques printanières qui sont la hantise décennale des locataires des ministères de la République. Cette année plus que d'autres.
Le pouvoir, qui a choisi l'offensive, est aux manettes d'un engin qui ne roule pas que sur des rails. Comme son attelage dévisse depuis les Régionales, l'instinct de survie lui commande de tuer dans l'œuf toute contestation. Pour ce faire, il ne trouve rien d'autre que de serrer plus fort le licou des salariés - tous à travers quelques uns - afin de mieux les assujettir.
Il ne suffit pas de regarder la seule SNCF, il faut lorgner du côté de nos retraites sur lesquelles les «négociations» vont commencer.
"C'est une grève incompréhensible et affligeante", dit le deuxième petit cochon, qui vient de se faire souffler la baraque en Poitou-Charentes.
Dominique Bussereau, ministre des transports, dénonce même une "course à l'échalote et de cacophonie syndicale puisque la CFDT n'appelle pas à la grève". Le ministre ne vole pas au secours de Pépy, il le cornaque et devient par la même occasion le secrétaire général de la CFDT. C'est beaucoup de travail.
En Guillaume Pepy, le très médiatique président de la SNCF, le ministre a trouvé un bon serviteur. Pépy, c'est le Sarkozy de la SNCF. Il fait tout, il sait tout faire, du conseil à d'anciens ministres au "syndicalisme réaliste", en passant par l'expertise en cabinets de toilettes TGV.
Adepte forcené de la négociation, Monsieur Pépy, dirigeant "responsable" aux yeux de «tout le monde», oublie simplement de préciser que cette disposition affichée n'est qu'outil de manœuvre: il n'a rien à négocier. Il ne le veut pas. Ou si, mais sur rien.
Et puis il lâche: «La CGT est la première organisation de la SNCF, elle joue donc un rôle important, mais ça n'est pas parce qu'elle est la première organisation de la SNCF que ma stratégie ou mes convictions, ou bien la façon de faire, ma méthode, doit changer». Il y a du Sarkozy dans le raisonnement. Il dit vouloir négocier mais prévient qu'il ne changera rien. Ce n'est plus la promotion Louise Michel mais la promotion Audica/Afflelou.
La réalité sur cette volonté affichée de «négocier» dans cette actualité de grève à la SNCF est ailleurs.
Elle est d'abord dans les Régions : alors que la loi impose des réunions de concertation là où localement des préavis de grève ont été déposés, des directions SNCF régionales refusent d'organiser ces réunions, au prétexte qu'il n'y a «pas de marges de négociations et donc de compromis possible, la direction régionale juge qu’il n’est pas nécessaire de se réunir». CQFD.
Une fois tordu le cou au plan com, il ne reste plus que cette évidence: la crispation gouvernementale est voulue. Elle est à triple détente.
D'abord, l'emploi de la stratégie du chaos, fort bien résumée par le titre du Figaro.fr «Grève à la SNCF : la direction prête au bras-de-fer». Elle est "prête", parce qu'elle le veut. Ils veulent en découdre. C'est une guerre déclarée aux dernières velléités de résistance de ceux qui pensent que le rail public peut accompagner des services de transport terrestres respectueux de l'environnement et hors emprise des lobbies.
On voudrait faire croire, de la même façon que dans les services publics, dans une SNCF qui a connu une saignée de personnel (22000 en sept ans), les services rendus pourraient être les mêmes.
Puis, par ce durcissement systémique derrière écran de fumée, l'exécutif veut montrer que le personnel de la SNCF est responsable – à cause de la masse salariale – de ce bruit persistant que les activités Sncf qui ne seraient plus rentables, que l'entreprise ne vaut plus grand chose, et qu'alors, la vente au privé par tronçons d'activité est inéluctable. Nos politiques font en sorte que la SNCF n'existe plus dans dix ans, vendue aux consortiums privés européens, aux Virgins en devenir.
Enfin, museler ce printemps ferroviaire, c'est aussi mettre le monde salarié du public dans la plus mauvaise posture pour la «réforme» des retraites".
On voit déjà que l'UNSA et la CFDT cheminots sont allés à Canossa dans leur entreprise, par express. Ceux-là voudraient nous faire croire qu'ils ne veulent pas «épuiser (leurs) troupes avant le bras de fer prévisible avec le gouvernement sur le dossier des retraites», alors qu'ils font en réalité du simple accompagnement. Les cheminots ont la mémoire longue et se souviennent de l'épisode des régimes spéciaux. Joli 1er Mai en perspective !
Sans qu'il n'y paraisse, l'avenir des retraites de millions de français passe aussi par un quai de gare.
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