C'est l'histoire de Samira.
Elle est obligatoirement importante, puisque ce fut son histoire.
Samira avait le verbe haut, l'œil vif et une réactivité sans pareil. Elle était salariée depuis longtemps dans cette pharmacie installée dans un "quartier difficile". Mais elle fut étonnée, un jour, d'avoir énervé son employeur au point que son licenciement soit projeté. Convoquée pour s'expliquer sur un grief obligatoirement précis, vérifiable et sérieux dans le cadre de son contrat de travail, elle s'entendit dire, lors de l'entretien préalable, que la qualité de son travail était excellente. Déroutant.
Alors, il y aurait eu un problème relationnel avec l'employeur ou les collègues? Non. La salariée était de bon contact, le boute-en-train de l'établissement.
Un épisode de garde, peut-être? Ce pouvait être possible.Les gardes et urgences à "volets ouverts" comme à "volets fermés" sont souvent sources de crispations dans les officines, le plus souvent à propos de programmations individuelles tardives. Mais pas de problème de garde évoqué.
Sûrement un énervement avec les clients? Même pas. Samira était devenue très vite le symbole de la réussite sociale dans le centre commercial du quartier où se situe la pharmacie. Son talent de salariée polyglotte y faisait merveille, pour le plus grand avantage du pharmacien chez qui l'on venait plutôt qu'ailleurs à cause de ce confort. Ce qui d'ailleurs valait à Samira de percevoir une prime mensuelle conventionnelle.
Simplement, - et alors que depuis longtemps cette "facilité" était tolérée pour tous les vendeurs - l'employeur reprocha à la salariée de partir trop souvent avec des échantillons gratuits de produits cosmétiques et d'hygiène corporelle qui font partie des ventes annexes en officine, hors produits monopolistiques qu'autorise l'article L512 du code de la santé publique sur le médicamenteux. Vous pensez que ce grief est bien futile. Vous avez raison.
La véritable motivation de l'irritation patronale trouve une autre source: c'est que Samira devenait trop pressante et qu'il fallait mettre un terme à ses exigences nouvelles; elle agaçait, en effet, parce qu'elle réclamait sans cesse d'être vite remboursée d'avances de frais de carburant qu'elle prétendait consentir pour la pharmacie. Dernièrement, Samira avait demandé à recouvrer une centaine d'euros.
Nous touchons là au fond du fond du problème. Vous savez que le code de la santé publique autorise le portage à domicile de médicaments et accessoires divers, à condition qu'il soit effectué à la demande du patient et que les médicaments soient livrés sous pli scellé. L'employeur de Samira participait à ce service en expansion.
Seulement, pour ce faire, il mettait Samira (et ses collègues) à contribution, qui livrait la marchandise avec sa voiture personnelle et avançait les frais d'essence !
Mais de quoi se plaignait-elle, dès lors que l'employeur la remboursait... en espèces ?
Comment, la voiture de Samira n'était pas assurée pour ce trajet professionnel? Et Samira ne l'était pas plus? Vous seriez bien aussi mesquin que Samira, qui disait même que la convention collective ne prévoyait pas qu'elle puisse endosser la posture de "chauffeur-livreur en pharmacie", et qu'un dictionnaire des classifications sert à quelque chose.
Une râleuse, cette Samira ! Comment ne pas admettre qu'il fallait la licencier !
Que cela plaise ou non, ceci est une histoire vraie, sauf le prénom de la salariée.
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