L’affaire Florence Schaal vs TF1 licenciée par TF1 en 2008 pour faute grave (par conséquent sans indemnité de licenciement) prend une ampleur et un grondement médiatique qu’envierait tout salarié licencié pour un piercing au nez, être trop grosse, refuser de masser son patron ou l’emport de quelques croissants.
Florence Schaal, salariée pendant 33 ans d’un TF1 qui manifestement tire plus vite que son ombre, a pu être mécontente de la décision patronale, et contester les griefs qui lui ont été exposés dans la lettre de licenciement reçue après la procédure prévue et (peut-être) une période de mise à pied conservatoire. Le tribunal compétent est, en cas de contestation sur la rupture d’un contrat de travail de droit privé, le Conseil de Prud’hommes.
Florence Schaal a dû, à coup sûr, saisir un Conseil de Prud’hommes en contestation de différents aspects concernant sa rupture du contrat de travail, puisqu’elle a indiqué attendre un jugement prud’homal « 22 février prochain ».
Florence Schaal a dû, à coup sûr, saisir un Conseil de Prud’hommes en contestation de différents aspects concernant sa rupture du contrat de travail, puisqu’elle a indiqué attendre un jugement prud’homal « 22 février prochain ».
Le lecteur pourrait s’arrêter à ce constat : un jugement civil est à intervenir.
Pourtant, curieusement, une affirmation de Florence Schaal vient « compliquer » l’information : « "J'ai d'abord la grande joie de vous annoncer que TF1 vient d'être condamné pour m'avoir abusivement licenciée", l’entend-on dire sur France Info. Etonnant, non ? Et bien des commentateurs de relayer en ce début décembre 2009.
Entendons-nous bien : je n’ai pas d’animosité particulière contre Florence Schaal, pas plus (mais pas moins) contre d’autres journalistes de TF1… que je ne regarde jamais. C’est déjà un sujet de crispation citoyen de moins. Le sujet est ailleurs : aujourd’hui, elle m’énerve un peu, Florence.
Parce que les mots ont autant de sens, qu’elle soit assise derrière un micro de TF1 en tant que salariée ou que lorsqu’elle a la chance de médiatiser sa rupture de travail. Et comme elle met sur la place publique un évènement qui la concerne, elle nous autorise à en débattre.
Un simple lecteur, non initié, peut légitimement se demander comment une ex-salariée journaliste en délicatesse avec son ex-employeur, peut dire que son employeur « … vient d'être condamné pour m'avoir abusivement licenciée" alors qu’une affaire est pendante devant un Conseil de Prud’hommes.
C’est que, peut-être, un « enfumage » informatif a pu brouiller l’écoute et la lecture. Mais dans quel but ?
Pour trouver des réponses, il faut regarder l’information brute, remonter à la source (Florence Schaal a été licenciée pour faute grave, privative des indemnités de ruptures) et la frotter aux textes. C'est-à-dire qu’il convient de se pencher un moment sur les dispositions de la Convention Collective des Journalistes et des textes réglementaires des journalistes (voir page du SNJ ici) contenus dans le Code du Travail.
Ainsi, l’article L7112-3 du Code du Travail (modifié par LOI n°2008-67 du 21 janvier 2008 - art. 3) indique que, pour les journalistes professionnels, « Si l'employeur est à l'initiative de la rupture, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois, par année ou fraction d'année de collaboration, des derniers appointements. Le maximum des mensualités est fixé à quinze. »
D’autre part, l’article suivant, L7112-4 du Code du Travail précise que pour les journalistes professionnels, « lorsque l'ancienneté excède quinze années, une commission arbitrale est saisie pour déterminer l'indemnité due » , rajoutant « En cas de faute grave ou de fautes répétées, l'indemnité peut être réduite dans une proportion qui est arbitrée par la commission ou même supprimée » « La décision de la commission arbitrale est obligatoire et ne peut être frappée d'appel. »
Donc, puisque l’employeur TF1 a été à l’initiative du licenciement de Florence Schaal, mais que la qualification de faute grave a privé la salariée de la perception de l’indemnité de rupture, j’imagine que la « commission arbitrale » a été saisie pour qu’elle alloue une indemnité à cette salariée dont l’ancienneté permet cette saisine.
Cette « commission arbitrale », le SNJ en indique « l’originalité » sur son site , dont voici un extrait : « Originalité de la Commission : Instituée à l’article L. 761-5 du Code du Travail (L. 7112-4 recod.), la Commission arbitrale des journalistes :
1) juge du droit à indemnités de licenciement lorsqu’une faute a été alléguée par l’employeur, et ce quelle que soit l’ancienneté du journaliste professionnel dans l’entreprise ;
2) apprécie le montant des indemnités de licenciement après plus de 15 années d’ancienneté dans l’entreprise et, dans ce cas, quel que soit le motif de la rupture du contrat de travail. »
Et de rajouter en dernier lieu : « Attention : la compétence de la Commission est strictement limitée à l’indemnité de licenciement. Elle n’est pas juge du contrat de travail et toute contestation portant, par exemple, sur le salaire de référence, sur l’ancienneté ou sur la qualité de journaliste professionnel oblige les parties à faire d’abord trancher le litige par le conseil de Prud’hommes. Elle n’est compétente ni pour accorder le préavis, ni pour allouer des dommages et intérêts. »
Il résulte de toutes ces considérations fastidieuses qu’il apparait – sauf à me tromper - qu’une commission arbitrale aurait jugé que Florence Schaal a droit à des indemnités de licenciement, et en aurait peut-être apprécié le montant. C’est tout.
Et parce qu’elle ne peut décider à la place du Conseil de Prud’hommes seul compétent en la matière, la dite commission n’aura pu dire, comme le claironne l’ex-salariée de TF1 que ce dernier "… vient d'être condamné pour m'avoir abusivement licenciée."
Il s’agit là, pour le moins, d’un amalgame osé soumis à l’entendement des citoyens entre une décision prise par une commission arbitrale paritaire prévue par le Code du Travail et le jugement à intervenir d’un tribunal civil souverain, même imparfait, qui aura à juger un cas de figure, sans pressions. Par exemple, il pourrait dire que la "faute" invoquée ne "mérite" pas le qualificatif de "grave" mais que le licenciement a une causalité réelle et sérieuse... Ce qui interdirait de dire que l'employeur "… vient d'être condamné pour m'avoir abusivement licenciée.". Alors, abus de mots et de postures?
Incidemment, on notera en souriant les commentaires du SNJ qui expose que, avec « la Commission arbitrale, la loi reconnaît aux journalistes le privilège d’être jugés par leurs pairs. Privilège parce qu’il est plus facile de détailler la tâche d’un rédacteur graphiste à des professionnels de la presse qu’à un conseiller prud’homal qui ignore tout de la fonction. » . Sympa pour les conseillers prud’homaux ! Ils apprécieront.
Car s’il fallait qu’ils n’ignorent rien de toutes les fonctions qu’ils ont à examiner dans l’exercice de leur mandat original, leur fonction n’aurait plus de sens. C’est d’ailleurs l’avis de certains décideurs gouvernements actuels... qui veulent aujourd’hui les supprimer, alors qu’on sait que le Conseil de Prud’hommes, juridiction d’exception, paritaire, élective, est une richesse de « l’exception française ».
Bien sûr, de quoi je me mêle ?
Juste que, sauf à me tromper, j’ai pu me dire, sans vouloir froisser personne, j’en demande pardon à ceux que j’ai pu offenser, c’est un moment d’égarement, que les mots ont un sens. Pour TF1, Florence Schaal ou quiconque. Si je me suis trompé, on saura me le dire. Même sa grande copine Laurence Ferrari.
Et, pendant ce temps là, dans cette France délicieusement gouvernée, chaque jour 5000 salariés sont privés d’emplois et s’en vont rejoindre les files d’attente du Pôle. Sans les caméras de TF1.
Comme dirait l’autre, l’ais-je bien descendu(e ), ma démonstration… ?
Bonne chance à Florence Schaal devant le Conseil de Prud'hommes.
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