A ceux doutaient que la question sociale sera au cœur même des élections de 2012, les actualités récentes auront donné quelques éléments. Les 35 heures en devanture, mais la suppression de la durée de travail en projet de fin de mandat de la droite libérale. Avec, poussant l'attelage, le coucou de service « sans tabous » qui aide à libérer la parole des autres.
Le suicide politique gaucher de Manuel Valls, prédateur aux dents qui frottent, nouveau Jean-Marie Bockel des soupes élyséennes, a libéré la parole de ses futurs compagnons. Les requins, à l'odeur du sang, sont devenus fous.
Mais le patronat ultralibéral n'a pas attendu le coucou du P.S. pour rêver d'un pays rêvé où la notion de durée du temps de travail n'existerait plus. Que chacun de ses salariés négocie son temps de travail et son salaire. Les lois successives depuis 1841 leur ont à chaque fois fait mal à gorge.
L'idée de la suppression de la durée du travail fait son chemin. Elle tourmente, avance, recule, et s'en vient à nouveau.
Plus près de nous, pour « qu'il y ait plus de pouvoir d'achat », en janvier 2007, la suppression de la durée légale du travail figurait dans le livre blanc intitulé "Besoin d'Air" que la présidente du Medef avait publié en janvier au début de la campagne pour l'élection présidentielle et dans lequel le Medef détaillait ses propositions de réformes pour les dix prochaines années.
En novembre 2007, la Laurence Parisot du Medef sur laquelle Nicolas Sarkozy s'adossa pour sa politique sociale depuis le début de son quinquennat se posait cette question: « je me demande s'il ne faut pas accepter de mettre sur la table la question de la suppression de la durée légale du travail », avec cet aparté révélateur: « Supprimer la durée du travail, ce n'est certainement pas tomber dans je ne sais quelle forme d'esclavagisme ».
Cet esclavagisme-là, accusation dont se défendait par avance Parisot, aurait pour vecteur l'accord d'entreprise, vous savez, cette merveille sociale qu'il voit employeur et salariés se mettre d'accord sur tout en toute harmonie, sans léser personne, tous gagnants donnant donnant.
Attentif, alléché, un mois plus tard, fin décembre 2007, François Fillon envisageait la suppression de la durée légale du travail.
Ce qui n'empêchera pas le 8 janvier 2008, Sarkozy de lancer devant les parlementaires réunis à l'Élysée pour la traditionnelle cérémonie des voeux: « Je ne crois pas qu'il soit de bonne politique pour quiconque de prétendre que le gouvernement veut supprimer la durée légale du travail, alors que c'est faux »… « Je veux augmenter le nombre d'heures supplémentaires, donc je veux garder une durée légale du travail ».
En mai 2008, le secrétaire général de l’UMP Patrick Devedjian déclare que « L’UMP demande avec force le démantèlement définitif des 35 heures et que la durée du travail soit contractuelle, entreprise par entreprise... ce que nous voulons, c’est que la durée du travail soit fixée entreprise par entreprise par la négociation sociale. » Prié de dire si cela signifiait la fin de la durée légale du travail en France, il a répondu : « Oui […] Ça cessera d’être un système national. »
Mais en juin 2008, Luc Chatel rapporte qu'en conseil des ministres, le président de la République a rappelé qu'il n'était « pas question de supprimer la durée légale du travail pour la simple et bonne raison que si on supprimait la durée légale, il n'y aurait pas d'heures supplémentaires".
Un peu de calme après ? C'était sans compter sur Hervé Novelli.
Hervé Novelli, ancien d'Occident, ancien ministre, ancien candidat aux Régionales, mais nouveau secrétaire adjoint de l'UMP à Jean-François Copé, dans une interview au Point le 6 janvier 2010, confia: " (...) on change radicalement la donne en revenant sur la durée légale du travail et on donne plus de latitude sur un certain nombre de domaines du droit social aux entreprises. Et c'est aux partenaires sociaux que l'on confie le soin de fixer, par entreprise et par branche, la durée du travail adaptée (...) ».
A la manœuvre depuis 2007, Nicolas Sarkozy se voit aujourd'hui un peu embêté, puisque sa loi Tepa s'y verrait maltraitée: s'il n'a y plus de durée légale du temps de travail, il n'y a plus d'heures supplémentaires et donc il n'y aura plus d'exonérations sociales pour l'employeur à ce titre... Au fond de la fosse, le requin se mord la queue.
Vous verrez qu'à cause de cette loi et de son désir d'être réélu, il repoussera sa décision. Que son plan com en fera un acteur raisonnable de la vie publique, alors que se précisent sous sa houlette, réforme après réforme, la destruction d'un siècle d'histoire sociale et un retour au XIXème siècle.
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