vendredi 12 novembre 2010

> partage de la valeur ajoutée et reconstruction du code du travail






Un Français sur deux boit de l’alcool sur le lieu du travail selon une étude. C'est que le travail déshydrate ou que les employeurs se réjouissent journellement, en soulevant le coude, du toilettage des « règles » sociales obtenues depuis trois années.

Ou alors, pour des raisons symétriques, sont-ce les salariés qui boivent pour oublier que le code du travail, le grand livre mémoriel des batailles du salariat a été fracassé afin de donner plus de liberté aux plus puissants du système économique ? Medef et le Président de la République actuel, garants d'une rentabilité accrue du salariat par une gestion libérée.
L'épisode récent de la convocation de salariés à l'entretien préalable à leur licenciement à Tours par SMS par un sous-traitant d'ERDF en dit long sur l'état d'esprit débridé, sur le sentiment d'impunité que ces trois dernières de dépeçage de règles codifiées ont généré dans l'entreprise. 

Dans le débat qui s'ouvre pour 2012, « peut-on parler d'égalité réelle sans aborder le rapport de forces entre la capital et le travail ? » s'interrogent Marie-Christine Aragon et Pierre Ruscassie dans un article intitulé « Modifier le partage de la valeur ajoutée » (pdf joint). 
Ils expliquent que pour «convertir le système économique à un fonctionnement totalement libéral (cela) nécessite … que  la loi soit remplacée par le contrat de gré à gré, que les garanties collectives et les mécanismes de solidarité soient supprimés…». Et de constater que c'est bien ce qui s'est produit: « ...C’est donc à la suppression des services publics, au démantèlement du droit du travail et des garanties sociales que se sont attelés ces dirigeants ». La case est cochée, peut-on répondre. Fait.
Ils listent en conséquence ce que la gauche se doit de faire, qui passe d'abord par la nécessité de « reconstruire ce que la droite à détruit ».(voir pdf ci-joint)

Que les contributions et propositions fleurissent ne peut que réjouir. Mais elles ne sont pas si nombreuses. Pourtant, 2012 ne se jouera pas que devant les téléviseurs. Les Français, cette fois, seront exigeants.
En marge de la «Convention PS pour l’égalité réelle", Gérard Filoche, lui, propose sur son blog, de " reconstruire le code du travail en 10 points  ». Extraits:

« 1°) Réduire la durée légale et maxima du travail : 35 h légales, 44 h maxima, 5 jours de travail et 2 jours de repos consécutifs par semaine.

2°) Stopper la précarité en instaurant un plafond de précaires par entreprise : la loi fixera un quota maximal d’intérimaires et de contrats à durée déterminée égal à 5 % maxi des effectifs dans les entreprises de plus de 20 salariés sauf dérogation exceptionnelle préalable. La loi augmentera l’indemnité de précarité d’emploi pour la rendre dissuasive : dans un premier temps à 15 %, pour les CDD comme pour l’intérim. L’usage de contrats précaires sur des postes permanents sera plus durement sanctionné. La requalification en CDI de CDD successifs sera facilitée autant pour le secteur public que pour le privé. La durée d’un CDD et de tout contrat précaire sans exception sera au maximum d’un an et au-delà sera requalifié automatiquement en CDI. Les périodes d’essai seront ramenées à 3 mois maximum. Tout allègement des cotisations sociales encourageant les emplois à temps partiel et précaires sera supprimé. La loi établira une complète égalité des droits entre salariés à temps plein et salariés à temps partiel, organisant la priorité pour revenir à temps plein. Elle limitera à 1 h au maximum l’interruption entre deux plages de travail au cours d’une même journée, pour tout temps partiel, avec pénalité forte en cas d’infraction. Elle encadrera le temps partiel, freinera les abus, empêchera qu’il soit un ghetto subi pour les femmes et non qualifiés, le valorisera de façon à ce qu’il ne soit pas le lot des « travailleuses pauvres ».

3°) Établir un nouveau contrôle administratif sur les licenciements : en 1986, la droite avait supprimé le précédent contrôle de l’administration sur les licenciements qu’elle avait elle-même instauré en 1975 et dont les prémices existaient depuis 1945. .. Pour les licenciements collectifs, la « loi de modernisation sociale » sera rétablie et améliorée de façon à donner à la puissance publique les moyens d’interdire effectivement, les délocalisations et licenciements boursiers, spéculatifs, ne reposant pas sur des difficultés économiques réelles et sérieuses. …

4°)  Réguler la sous-traitance : contre les « externalisations » artificielles, les cascades de sous-traitance organisées par des grands groupes pour contourner les seuils et droits sociaux. .. abroger les lois Madelin, Fillon, Dutreil, Larcher, des pseudo « auto entrepreneurs » qui ont encouragé les « découpes » d’entreprise, et toutes les formes de recours à la sous-traitance dérégulée permettant à des donneurs d’ordre de surexploiter les artisans, ou petites entreprises privées de réelle autonomie et de droits pour leurs salariés, poussées notamment à utiliser du travail illégal dissimulé.

5°) Redévelopper la démocratie syndicale et sociale. Il dépend d’une volonté républicaine de redonner toute leur place dans notre pays aux syndicats...

6°) Renforcer les moyens et les pouvoirs des instances représentatives du personnel. Le redéploiement de la démocratie sociale nécessite une extension des missions des Comités d’entreprise et, à défaut, une extension des missions et moyens des délégués du personnel...

7°) Développer l’hygiène et la sécurité au travail. Protéger la santé au travail en lien avec la réduction du temps de travail et le recul de la précarité est un aspect décisif de l’ordre public social. Nous prendrons toutes les mesures pour réparer complètement, ce qui est loin d’être le cas, les accidents du travail et les maladies professionnelles. Nous re-développerons la prévention, et donnerons toute son indépendance à la médecine du travail... Les CHSCT, c’est la prise en main par les travailleurs concernés de leur propre sécurité, la meilleure prévention pourvu qu’ils aient les moyens humains et matériels de faire face à toutes leurs obligations. Les CHSCT seront élus et non plus désignés...

8°) Stop aux discriminations. Donner les moyens aux institutions, syndicats, IRP, inspecteurs du travail, prud’hommes, tribunal pénal, d’agir contre et de sanctionner toutes les formes de discrimination et de harcèlement au travail et dans l’entreprise. Cela concernera les discriminations syndicales en premier chef mais aussi à l’égard des immigrés, des jeunes, seniors, ou contre les syndicats, ou à l’égard des orientations sexuelles. A commencer par les discriminations à l’égard de femmes, en matière de salaires, de promotions et de congés maternité. L’égalité salariale devra être établie par la loi partout en un délai d’un an sous peine d’astreintes et de lourdes sanctions financières. Les conventions collectives devront comporter des chapitres obligatoires sur l’évolution des carrières, des qualifications, des niveaux, échelons et coefficients salariaux, pour tous et toutes explicitement selon les grilles de métiers et les expériences acquises. Les femmes de retour de congés maternité devront retrouver un poste identique et seront protégées pendant 18 mois après leur retour.

9°) Pour une vraie Sécurité sociale professionnelle, quatre droits fondamentaux constitutifs seront mis en œuvre :
-  Le droit au reclassement
– Le droit au revenu
– Le droit à la protection sociale
– Le droit à la formation continue...

10°) Renforcer les moyens de l’Inspection du travail. L’établissement d’un réel contrôle par la République sur le pouvoir des employeurs et des actionnaires demandera un accroissement substantiel des effectifs et des moyens de l’inspection du travail. Le nombre de sections d’inspection sera au moins doublé pour permettre le respect des droits des 16 millions de salariés actifs dans le secteur privé. Il s’agit d’un choix de société : les lois de la République doivent l’emporter sur le marché, l’Etat de droit doit régner dans les entreprises comme ailleurs. Il faut remplacer la fumeuse « main invisible du marché » par la citoyenne « main visible de la démocratie ». Le bon combat c’est celui pour que l’économie soit subordonnée aux besoins des humains et pas l’inverse. Toute cette bataille pour un nouvel ordre public social, devra être accompagné d’un renforcement du droit pénal du travail : sanctions effectives plus fortes, directives aux Parquets plus strictes contre la délinquance patronale. Il est insupportable pour une société équilibrée que « ceux d’en haut », et parmi eux, les chefs d’entreprise, ne montrent pas l’exemple, alors que les sanctions tombent drues sur les jeunes des banlieues sans travail et sans avenir.. »

++ 
Jean-Claude Gaudin, qui martèle «  je ne connais pas le code du travail, moi » aura passé un sale moment à lire ces quelques lignes.

Nous, on en attend d'autres, des propositions sociales pour 2012, d'où qu'elles viennent. Pour voir ce que les partis ont dans leur tête, hors le souci de l'élection. Et pour nous changer de l'actualité du lèche-bottes blues du remaniement.


Fichier attachéTaille
modifier_le_partage_de_la_valeur_ajoutee.pdf40.61 Ko

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire