samedi 6 novembre 2010

> contrats de travail explosés



On ne peut se souvenir de tout, mais en 2004, Pierre Cahuc et Francis Kramarz présentaient un rapport préconisant la « suppression des statuts d'emplois précaires» et la création d'« un contrat de travail unique à durée indéterminée donnant droit à une "indemnité de précarité ».

François Bayrou subjugué, s'en était souvenu et l'inscrivit dans son programme présidentiel de 2007.

Un jour de 2007, justement, pendant la campagne des présidentielles, Laurence Parisot déclarque « … avoir en France un taux de chômage inférieur à 5% et une croissance de 3 ou 4% c'est possible à condition de "supprimer le concept de durée légale du travail ». Elle nous amenait sur la suppression des CDI et CDD, qu'elle voyait bien remplacés par des « contrats de mission ». 


A la mi-septembre 2010, L'Institut Montaignetotalement indépendant» financé par 80 entreprises (Bolloré, Air France, BNP Paribas, etc.!!), prônait la «suppression du CDD et un CDI plus flexible».


L'Institut milite pour un CDI à « objectifs »... y adaptant comme un aileron à géométrie variable pour plus de souplesse au bénéfice de l'entreprise, pour « s'adapter au marché ». S'y adjoint une rémunération flexible elle aussi, qui fluctuerait au gré du marché.
Imaginez votre vie en perpétuel intérim, où le contrat de travail se négocierait au coup par coup au niveau de l'entreprise, « l'Etat se bornant à se «  limiter aux grands principes » selon le vœux de Laurence Parisot. Les « carrières » des salariés seraient mieux gérées...

Le 26 octobre 2010, une étude de la Commission Européenne « constate que la flexibilité du temps de travail est un avantage, aussi bien pour les employeurs que pour les travailleurs. ».  "En cette période de ralentissement économique, les formules de travail flexibles peuvent aider les gens à conserver leur emploi.
Ils ont de l'humour, aussi: il y aurait un « meilleur équilibre entre vie familiale et vie professionnelle: tant la flexibilité du temps de travail que l'égalité entre les femmes et les hommes sont d'importantes conditions préalables à la reprise économique." . Vous voyez un rapport autre que celui de l'égalité dans la précarité ?


Ne manquait plus que le FMI.
Il faut prendre les mots comme ils viennent: le FMI s'est félicité de la réforme adoptée par la France sur les retraites (et la Grèce avant elle), car le produit intérieur brut allait augmenter de 1 à 4%. Ça rassure, quand la France en est à un endettement de 80% de son PIB !!

"Une hausse de l'âge de la retraite est l'outil le plus efficace" si un gouvernement ne veut pas nuire à la croissance, a-t-il conclu. C'était dit. Aussitôt, le gouvernement français s'est félicité que le FMI se soit félicité. Sarkozy embrassait Strauss-Kahn sur la bouche.

Le 4 novembre 2010, le chef économiste du FMI Olivier Blanchard glissa à l'oreille de Jean Pierre Elkabach qu'il fallait « rendre plus égal » le CDI et le CDD.
Il voulait bien d'une « protection de l'emploi » mais qu'elle "vienne de manière plus douce, au fur et à mesure du temps". Traduction simultanée: le FMI dit pas de protection contractuelle au départ, mais peut-être si le marché le permet, et si le salarié est gentil.

Il doit être "possible pour les entreprises de diminuer leur force de travail si elles n'ont pas de commandes" mais cela "ne veut pas dire, pas de protection de l'emploi", a-t-il insisté, "il en faut une et elle peut être bien meilleure que celle qui existe". C'est d'une logique implacable: être viré sans entrave pour être mieux.

Nous y voilà, la boucle est bouclée. Leur avenir, c'est continuer de casser le « modèle social », s'attaquer aux normes sociales, qui empêchent l'entreprise de s'épanouir. En brisant la structuration de l'emploi, avec les effets de cascades, ils veulent non pas créer les conditions du plein emploi mais les conditions du plein exercice -par eux- de la maîtrise de l'arrogance contractuelle salariale. L'individualisation en méthode et la peur comme moyen.
La structure de l'emploi sera la prochaine cible.

Il faut s'attendre à tout, et notamment entendre que la décapitation des notions de CDI et de CDD sera utile pour « diminuer la force de travail » des entreprises, et créera des emplois... Un sophisme de plus.

Précariser chaque emploi afin qu'un roulement de précaires tienne les postes de travail à un prix cassé, au fil de l'eau. La solidarité au fond, accrochée à une gueuse.

He can, Dominique Strauss ? (1) 


++ 

 (1) traduction: "prêt pour une valse et une canne, Dominique, en 2012 ?"

> en prime, pour les plus courageux:





La Pétition des fabricants de chandelles
Par Frédéric Bastiat
PÉTITION des Fabricants de Chandelles, Bougies, Lampes, Chandeliers, Réverbères, Mouchettes, Éteignoirs, et des Producteurs de Suif, Huile, Résine, Alcool, et généralement de tout ce qui concerne l'Éclairage.
A MM. les Membres de la Chambre des Députés
« Messieurs,
« Vous êtes dans la bonne voie. Vous repoussez les théories abstraites; l'abondance, le bon marché vous touchent peu. Vous vous préoccupez surtout du sort du producteur. Vous le voulez affranchir de la concurrence extérieure, en un mot, vous voulez réserver le marché national au travail national.
« Nous venons vous offrir une admirable occasion d'appliquer votre... comment dirons-nous ? votre théorie ? non, rien n'est plus trompeur que la théorie; votre doctrine ? votre système? votre principe ? mais vous n'aimez pas les doctrines, vous avez horreur des systèmes, et, quant aux principes, vous déclarez qu'il n'y en a pas en économie sociale; nous dirons donc votre pratique, votre pratique sans théorie et sans principe.
« Nous subissons l'intolérable concurrence d'un rival étranger placé, à ce qu'il parait, dans des conditions tellement supérieures aux nôtres, pour la production de la lumière, qu'il en inonde notre marché national à un prix fabuleusement réduit; car, aussitôt qu'il se montre, notre vente cesse, tous les consommateurs s'adressent à lui, et une branche d'industrie française, dont les ramifications sont innombrables, est tout à coup frappée de la stagnation la plus complète. Ce rival, qui n'est autre que le soleil, nous fait une guerre si acharnée, que nous soupçonnons qu'il nous est suscité par la perfide Albion (bonne diplomatie par le temps qui court !), d'autant qu'il a pour cette île orgueilleuse des ménagements dont il se dispense envers nous.
« Nous demandons qu'il vous plaise de faire une loi qui ordonne la fermeture de toutes fenêtres, lucarnes, abat-jour, contre-vents, volets, rideaux, vasistas, œils-de-bœuf, stores, en un mot, de toutes ouvertures, trous, fentes et fissures par lesquelles la lumière du soleil a coutume de pénétrer dans les maisons, au préjudice des belles industries dont nous nous flattons d'avoir doté le pays, qui ne saurait sans ingratitude nous abandonner aujourd'hui à une lutte si inégale.
« Veuillez, Messieurs les Députés, ne pas prendre notre demande pour une satire, et ne la repoussez pas du moins sans écouter les raisons que nous avons à faire valoir à l'appui.
« Et d'abord, si vous fermez, autant que possible tout accès à la lumière naturelle, si vous créez ainsi le besoin de lumière artificielle, quelle est en France l'industrie qui, de proche en proche, ne sera pas encouragée ?
« S'il se consomme plus de suif, il faudra plus de bœufs et de moutons, et, par suite, on verra se multiplier les prairies artificielles, la viande, la laine, le cuir, et surtout les engrais, cette base de toute richesse agricole.
« S'il se consomme plus d'huile, on verra s'étendre la culture du pavot, de l'olivier, du colza. Ces plantes riches et épuisantes viendront à propos mettre à profit cette fertilité que l'élève des bestiaux aura communiquée à notre territoire.
« Nos landes se couvriront d'arbres résineux. De nombreux essaims d'abeilles recueilleront sur nos montagnes des trésors parfumés qui s'évaporent aujourd'hui sans utilité, comme les fleurs d'où ils émanent. Il n'est donc pas une branche d'agriculture qui ne prenne un grand développement.
« Il en est de même de la navigation : des milliers de vaisseaux iront à la pêche de la baleine, et dans peu de temps nous aurons une marine capable de soutenir l'honneur de la France et de répondre à la patriotique susceptibilité des pétitionnaires soussignés, marchands de chandelles, etc.
« Mais que dirons-nous de l'article Paris ? Voyez d'ici les dorures, les bronzes, les cristaux en chandeliers, en lampes, en lustres, en candélabres, briller dans de spacieux magasins, auprès desquels ceux d'aujourd'hui ne sont que des boutiques.
« Il n'est pas jusqu'au pauvre résinier, au sommet de sa dune, ou au triste mineur, au fond de sa noire galerie, qui ne voie augmenter son salaire et son bien-être.
« Veuillez y réfléchir, Messieurs; et vous resterez convaincus qu'il n'est peut-être pas un Français, depuis l'opulent actionnaire d'Anzin jusqu'au plus humble débitant d'allumettes, dont le succès de notre demande n'améliore la condition.
« Nous prévoyons vos objections, Messieurs ; mais vous ne nous en opposerez pas une seule que vous n'alliez la ramasser dans les livres usés des partisans de la liberté commerciale. Nous osons vous mettre au défi de prononcer un mot contre nous qui ne se retourne à l'instant contre vous-mêmes et contre le principe qui dirige toute votre politique.
« Nous direz-vous que, si nous gagnons à cette protection, la France n'y gagnera point, parce que le consommateur en fera les frais ?
« Nous vous répondrons :
« Vous n'avez plus le droit d'invoquer les intérêts du consommateur. Quand il s'est trouvé aux prises avec le producteur, en toutes circonstances vous l'avez sacrifié. - Vous l'avez fait pour encourager le travail, pour accroître le domaine du travail. Par le même motif, vous devez le faire encore.
« Vous avez été vous-mêmes au-devant de l'objection. Lorsqu'on vous disait : le consommateur est intéressé à la libre introduction du fer, de la houille, du sésame, du froment, des tissus. - Oui, disiez-vous, mais le producteur est intéressé à leur exclusion. - Eh bien, si les consommateurs sont intéressés à l'admission de la lumière naturelle, les producteurs le sont à son interdiction.
« Mais, disiez-vous encore, le producteur et le consommateur ne font qu'un. Si le fabricant gagne par la protection, il fera gagner l'agriculteur. Si l'agriculture prospère, elle ouvrira des débouchés aux fabriques. - Eh bien ! si vous nous conférez le monopole de l'éclairage pendant le jour, d'abord nous achèterons beaucoup de suifs, de charbons, d'huiles, de résines, de cire, d'alcool, d'argent, de fer, de bronzes, de cristaux, pour alimenter notre industrie, et, de plus, nous et nos nombreux fournisseurs, devenus riches, nous consommerons beaucoup et répandrons l'aisance dans toutes les branches du travail national.
« Direz-vous que la lumière du soleil est un don gratuit, et que repousser des dons gratuits, ce serait repousser la richesse même sous prétexte d'encourager les moyens de l'acquérir ?
« Mais prenez garde que vous portez la mort dans le cœur de votre politique ; prenez garde que jusqu'ici vous avez toujours repoussé le produit étranger parce qu'il se rapproche du don gratuit, et d'autant plus qu'il se rapproche du don gratuit. Pour obtempérer aux exigences des autres monopoleurs, vous n'aviez qu'un demi-motif; pour accueillir notre demande, vous avez un motif complet, et nous repousser précisément en vous fondant sur ce que nous sommes plus fondés que les autres, ce serait poser l'équation : + x + = -; en d'autres termes, ce serait entasser absurdité sur absurdité.
« Le travail et la nature concourent en proportions diverses, selon les pays et les climats, à la création d'un produit. La part qu'y met la nature est toujours gratuite ; c'est la part du travail qui en fait la valeur et se paie.
« Si une orange de Lisbonne se vend à moitié prix d'une orange de Paris, c'est qu'une chaleur naturelle et par conséquent gratuite fait pour l'une ce que l'autre doit à une chaleur artificielle et partant coûteuse.
« Donc, quand une orange nous arrive de Portugal, on peut dire qu'elle nous est donnée moitié gratuitement, moitié à titre onéreux, ou, en d'autres termes, à moitié prix relativement à celle de Paris.
« Or, c'est précisément de cette demi-gratuité (pardon du mot) que vous arguez pour l'exclure. Vous dites : Comment le travail national pourrait-il soutenir la concurrence du travail étranger quand celui-là a tout à faire, et que celui-ci n'a à accomplir que la moitié de la besogne, le soleil se chargeant du reste ? - Mais si la demi-gratuité vous détermine à repousser la concurrence, comment la gratuité entière vous porterait-elle à admettre la concurrence ? Ou vous n'êtes pas logiciens, ou vous devez, repoussant la demi-gratuité comme nuisible à notre travail national, repousser a fortioriet avec deux fois plus de zèle la gratuité entière.
« Encore une fois, quand un produit, houille, fer, froment ou tissu, nous vient du dehors et que nous pouvons l'acquérir avec moins de travail que si nous le faisions nous-mêmes, la différence est un don gratuit qui nous est conféré. Ce don est plus ou moins considérable, selon que la différence est plus ou moins grande. Il est du quart, de moitié, des trois quarts de la valeur du produit, si l'étranger ne nous demande que les trois quarts, la moitié, le quart du paiement. Il est aussi complet qu'il puisse l'être, quand le donateur, comme fait le soleil pour la lumière, ne nous demande rien. La question, et nous la posons formellement, est de savoir si vous voulez pour la France le bénéfice de la consommation gratuite ou les prétendus avantages de la production onéreuse. Choisissez, mais soyez logiques; car, tant que vous repousserez, comme vous le faites, la houille, le fer, le froment, les tissus étrangers, en proportion de ce que leur prix se rapproche de zéro, quelle inconséquence ne serait-ce pas d'admettre la lumière du soleil, dont le prix est à zéro, pendant toute la journée ? »
Frédéric Bastiat (1801-1850)

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