dimanche 26 décembre 2010

> un syncrétisme politique français


Le dernier film de Pierre Salvatori « De vrais mensonges » nous invite au tourbillon intime de la contrefaçon. Le billet trouvé dans la poche d’un personnage, avec la mention « Je sais qui vous êtes, je veux qui vous êtes ! » n’a plus de sens si on l’applique à la politique où le « festival de faux pour le vrai et de vrai pour le faux » nous fait la nique.

Les chemins du mensonge sont tortueux, vieux comme la politique. En avez-vous entendu un qui dise que l’autre a raison ? Non, bien sûr. Depuis qu’ils ont inventé la stratégie du faux, ils font de leurs rapports intimes des usines à mensonge. C’est ce qu’ils montrent. Une gestion du vide par l’entourloupe.
Ce faisant, ils ont construit un mur entre le citoyen et l’administration de la cité. Dupes de rien et contrôlant tout, il leur est devenu impossible de vivre sans que leur vérité aux lèvres soit un mensonge de plus. Ce ne sont pas de simples mensonges par omission, dus aux mémoires courtes. Il ne s’agit pas non plus d’un oubli, non, ils mentent sans vergogne, les yeux dans les yeux.
Le temps n’est plus où il suffisait d’accuser un homme politique de mensonge pour s’en débarrasser. Aujourd’hui, les écoles de communication leur ayant appris qu’en politique il ne faut pas douter, pour se donner l’image de quelqu’un qui ne doute pas, les politiques falsifient. Ou désinforment, se le disent, en une nouvelle morale qui les dépasse. Et quand ils ne mentent pas, ils parcellisent la vérité. Utilisant le mensonge comme des facilités de langage, des marques d’habileté verbale, ils en arrivent à réécrire l’histoire avec une étonnante faculté d’oubli, et sur la leur, plombent une amnésie lourde sur leur passé récent.
Pourquoi se généraient ils puisque le mensonge en politique n’est jamais sanctionné ? Et pourquoi changeraient-ils de conduite puisqu’ils savent que pour durer, l’expérience le montre, ils doivent mentir ? Car ils se sont aperçus que dire la vérité les laminerait. Alors, ils mentent pour exister. Ils se construisent des digues de protection, des immunités.
Avant de pratiquer, ils apprennent, car l’exercice du mensonge relève du professionnalisme. Il ne s’agit pas de risquer d’être pris en flagrant délit d’amateurisme et donc de mensonge. Le contrôle de soi habille la religion du mensonge, pour laquelle ils deviendront grands prêtres. Ils officieront alors dans la plus grande sérénité. Ainsi se construiront des légendes politiques qui devront durer le temps politique « contemporain » du menteur, qui repousse l’échéance de la vérité vraie au delà de sa séquence d’homme politique. C’est le règne de la parole feinte et de l’illusionnisme d’artistes marketing qui joignent le geste à la parole pour enrôler nos vies. Seuls quelques « petits » craqueront et le diront pour s’en sortir, salis.
Formés au pire, ils en arrivent à penser que le mensonge, distillé en doses homéopathiques est une nécessité pour le peuple, qui en redemanderait sans cesse pour trouver des raisons de ne pas avoir peur. Mais le danger peut venir de l’autre d’en face, qui désinforme aussi bien et parfois mieux que lui. Ce qui pousse le menteur à accuser l’autre de mentir. Candidats au César du meilleur menteur, ils se poussent du coude sur l’estrade.
Alors, ils brassent, ils agglutinent, font des discours fleuves où le temps et la vérité n’ont d’importance que pour la reproduction des seuls mandats électifs. Nous en arrivons à ce que les citoyens ont des mandataires qui ne remplissent pas le contrat, qui modifient l’information, la tordent pour ne garder que ce qui pourra les faire réélire. Au delà des promesses électorales non tenues, le mensonge devient obligation et s’adosse en premier lieu à « l’obligation » de « fidélité » au parti où ils adhèrent et qui les fera rois. Le reste importe peu. Adeptes de la déglutition automatique, ils avalent des couleuvres et se mentent à eux-même.
Et, complication suprême, le mensonge d’Etat s’installe et fait des petits. Décomplexé, le menteur de base, recevant l’extrême-onction en même temps que la plaquette sur la stratégie du faux, se donne au diable. Ainsi fécondé, il énonce à nouveau des discours qu’il affiche comme du vrai pour se jouer du citoyen en des vérités esthétiques qui le conduisent à ce que le mensonge lui devienne indifférent.
Banalisée, la pratique du mensonge s’intègre à tous les pouvoirs et défigure la République. Au point que des policiers menteurs se voient étonnés de n’être pas exonérés de leur responsabilité, comme si l’exercice qui les fit condamner coulait de source pour le bien public. Au point que l’Assemblée nationale, si elle a prévu une amende pour les députés menteurs (ce qui montre que jusque-là, on ne leur disait rien), n’a pas prévu de peine de prison.
Se rebeller contre cette pratique syncrétique dans la vie politique, quand le mensonge peut conduire aux pires violences?
L’étonnant tient en effet dans notre complaisance, la constante historique française qui voit le citoyen réélire des menteurs, ou lieu de s’attacher à casser cette bizarrerie nationale qui « tolère » le mensonge au point d’en faire un outil comme un autre dans la politique.
2011 sera de ce point de  vue une curiosité avant le grand saut.
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