mardi 20 avril 2010

> le nuage, le président, la retraite, l'avenir




siege.jpeg
On ne savait pas où il était.
Pourtant, ils avaient tout essayé pour le localiser.
Les ministres des transports y étaient allés d'une vidéo conférence, mais il y avait de la friture sur la ligne.
L'avenir était en panne.
Ils le cherchaient, parce qu'il est toujours responsable des restrictions depuis quelques années. Sans lui, sans ligne, ils étaient perdus.

Les Polonais le cherchaient aussi. Il leur avait fait faux bond. Il devait venir s'incliner chez eux sur une bière entre deux tournées, avant que les cendres soient éparpillées.


En fait, ils viennent de le retrouver.
Il était dans le nuage. Assis sur son siège éjectable.
Sémaphore ailé, éolienne du sale temps, il essayait de concentrer les cendres du capitalisme en faisant du vent. C'est le paradoxe. Il y arrivait encore avant le volcan.

On le cherchait à côté de nous, mais il était à dix huit mille pieds au dessus. Le 1er mai, ce sera l'inverse. Mais il y en aura plus. Il y en a qui se perdent.

Il ne faut rien dramatiser.
Il y en aura toujours pour critiquer, du genre "c'est la pagaille en Europe". Mais il faut voir le bon côté des choses et passer sa bonne humeur à son voisin: les grecs, eux par exemple, sourient. Plus il y aura de cendres, moins ils se feront descendre, économiquement. C'est le principe des vases communicants dans la finance.

Il y aura toujours des pessimistes pour se plaindre de l'immobilité des appareils politiques et de l'immobilisation des avions, alors qu'à bien y réfléchir, les compagnies aériennes font des économies de révisions et d'heures supplémentaires. C'est bon pour le futur et pour la loi Fillon, quand on y regarde de près sans se voiler la face.

Eric Woerth lui, est plus équilibré. Il est plus discret. C'est un sage.
Il est parti du principe qu'il était assez grand pour préparer tout seul un mauvais coup. Qu'il avait son plan de vol pour les retraites, qu'il en était le pilote, même si le dispositif ne décollait pas, et qu'il saurait bien tirer par la manche quelques négociateurs qui se joueraient de pluies acides et de propos acerbes.

Aujourd'hui, pourtant, Woerth nous inquiète.
Il vient de déclarer qu'il voulait «une réforme transparente». Certes, c'est un effet de style, mais la bienséance voudrait qu'on choisisse l'instant des mots ! Vous conviendrez que le moment se prête assez mal à l'humour, lequel, par définition, ne peut pas plaire à tout le monde quand on est dans le brouillard. Bernard Thibault me comprendra.

Blagueur, le ministre, mais «responsable»: il «prendra en compte tout ce qui est dit aujourd'hui, mais tout ce qui est dit de responsable". Il va donc faire le tri de ce qui l'est de ce qui ne le serait pas. C'est une sacrée responsabilité en temps de crise quand on marche sur des oeufs dans un nuage.

Justement, il y était le Président.
C'est là qu'ils l'ont trouvé. Il était un peu bizarre.
Il tenait le même langage que son ministre du travail. Il paraissait fatigué.
Il répétait lourdement qu'il n'y aurait plus jamais de «passage en force». Pour qui le connaissait, c'était inquiétant.
Surtout que comme Woerth, il disait vouloir «reprendre un peu de sang-froid», comme s'il voulait abreuver nos sillons. Sur son petit nuage, il était donc devenu anthropophage.

Pourtant, ce n'était pas faute d'avoir reçu des avertissements.
Le peuple lui avait dit aux Régionales «attention, prends soin de nous, reste disponible !».
L'idée, c'était qu'il fallait «prendre soin de ce qui existe et rester disponible pour l'imprévu». C'était beau comme un livre d'images et d'informations électroniques. C'était sans compter qu'il ne lisait plus Médiapart depuis longtemps. Juste le Club. Et encore, quand Onfray le voulait bien.

A sa décharge électrique, dans son nuage cendré, on pouvait penser qu'il ne voyait plus rien. Qu'il aurait pris un coup de vieux avant qu'il se dissipe. «En somme», qu'il était incapable de «veiller à la fragilité du monde pour mieux réinventer sa jeunesse.». L'oracle avait raison.

Le nuage passé, même si quelqu'un lui faisait la courte échelle, le voyageur quinquennal, éthéré, ne trouverait jamais le pied de l'arc en ciel.




0 commentaires:

Enregistrer un commentaire