vendredi 26 février 2010

> Chômeurs en Région Centre: jour tranquille à Rivarennes



Connaissez vous la poire tapée ?
C'est une poire qui, après avoir beaucoup souffert du côté de Rivarennes (Indre et Loire), déshydratée, aplatie, va devenir après une savante transformation ce produit bien sympathique qui va ne plus vous lâcher si vous faites un repas à thème dans un restaurant de Tours. De la poire tapée du début de repas avec une Poire Tapée Williams Réhydratée au Chenin accompagnant un chèvre chaud de Ste Maure, en passant par un magret de canard à la Poire Tapée Crassane / Chinon. Pour finir, entourée d'une glace vanille, une Poire Tapée beurré Hardy / Gamay. C'est la poire du rêve.

François était allé regarder la télé chez son ami et voisin Jean Pierre, qui justement été né à Rivarennes. Jean Pierre, bénéficiait encore du droit de brûlage de son père (qui avait été syndiqué à la CGT du temps de Georges Seguy), ce qui lui permettait de récolter ses vingt litres annuels d'eau de vie de poire... où il glissait des poires tapées pour faire joli.
Jean Pierre avait du temps: à 56 ans, il venait de subir « un plan social », donc de se faire licencier économique, au motif (caché) que les fonds de pension anglais qui avaient racheté l'usine n'avait pas retrouvé leurs petits, c'est-à-dire les14% de jus de rentabilité tout net.
Il n'avait pas de chance, Jean Pierre. Avec un peu plus de temps, le projet de Xavier Darcos, « d'interdire des plans sociaux qui s'appuient sur le départ prématuré des seniors » comme il l'avait annoncé sur RMC le 16 février, se serait concrétisé. L'entreprise aurait alors licencié les plus jeunes, ce qui coûte moins cher en indemnités de licenciement. Darcos avait même ajouté: « Il faut faire en sorte que les gens puissent travailler jusqu'au bout de leur temps de travail » ce qui voulait dire qu'en plus, le gouvernement allait interdire à terme tous les licenciements. Ce qui avait fait naître un sourire en biais chez Jean Pierre et dire: « Il est bourré, le Darcos, ou il nous prend pour des ragondins ? ». Hervé Novelli, s'il relayait ce projet dans la Région Centre, serait élu aux Régionales ! Mais ça ne craignait rien, tellement le maire de Richelieu avait la tête près du bonnet, affairé qu'il était à faire voter pour lui l'ensemble du Front National.
Non seulement Jean Pierre était un ami, mais il avait la télé. Il avait aussi un moniteur vidéo. Et donc, pour se réconcilier avec la vie et une belle Hélène, François et Jean Pierre sirotaient une eau de vie de poire Bon-Chrétien Williams (1) à la poire tapée en regardant Johnny bourré comme un coing se taper un journaliste. Les solidarités commençaient ainsi, pour rester debout. Parfois, ils mangeaient aussi une Williams en chocolat, quand dans le même temps, Pernaut suçait un Chupa Chups.
Ce jour là, leur neuvaine - leur « Télé-Chopine » disaient-ils aimablement - avait été une occasion
d'en griller une petite ensemble pendant Télé Shopping sur TF1, juste avant que Jean Pierre Pernaut montre un peu plus tard comment en Touraine ou ailleurs on tue le cochon, et comment, en "catholique qui pèche", Geoffroy Roux de Bézieux voyait l'avenir, après qu‘il ait chanté a capella «O Laurence-Catarinetta bella Tchi-tchi ! !». Le programme était sérieux. François aimait bien Marie-Ange Nardi qui ne vieillissait pas, étant née « ...le 2 avril 1961 à Marseille... une animatrice qui autrefois animait FR2 et FR3 et qui actuellement anime TF1. ».  « Elle a fait des études de psychologie », ce qui l'avait conduite à présenter Télé Shopping. Elle lui ferait découvrir des merveilles.
François aimait la peinture sur auto. Il ne fut pas déçu quand Marie-Ange fit la présentation d'un produit formidable, « hors du commun », le pistolet à 139,99 euros pour étaler une peinture bleue comme dans le studio télé, bleue mais formidable. Pour l'essayer, il fallait une voiture à repeindre. Comme François n'en détenait pas, il y irait en acheter une pas cher. Même une sans pare brise, qu'il ferait livrer. Elle serait roulante et mais blanche, pour qu'on se rende bien compte de l'efficacité de la peinture bleue, propulsée sous basse pression. Il demanderait à Carglass de passer après.
François était une vraie femme d'intérieur. Mais pas au point d'aimer perdre son temps à repasser longtemps, puisque ses rendez-vous avec le Pôle Emploi l'occupaient beaucoup. Alors, il a pensé acheter une nouvelle planche à repasser comme celle dont ils "avaient déjà parlé à la télé", qui s'appelait une « station repassage pro» à 399 euros, bien utile pour repasser avant de les ranger les vêtements de travail qui étaient devenus inutiles. Il pourrait gagner de la place en les mettant sous vide à l'aide de l'aspirateur dans les housses de rangement PM et GM à 39,99 euros.
Si François avait été une vraie « couturière confirmée », il se serait dit que ses effets auraient besoin un jour ou l'autre d'être rapiécés et que, justement,la « Machine à coudre simplissime complète» à 139,99 euros aurait bien fait l'affaire.
François avait découvert Ikéa juste pour se promener une fois, un peu avant que les employés fassent une grève, dont « ils avaient montré les images à la télé ». Il lui fallait prévoir l'imprévu, comme renouveler son intérieur après que son dernier enfant serait parti en apprentissage. Il avait pu constater que les meubles dont il aurait besoin étaient vernis. Il aurait bien aimé des « meubles tachés, couverts d'auréoles ou passés par le soleil » , car l'ensemble proposé sur TF1 « soin du bois + cire liquide » offre à 39,99 euros était bien plus efficace sur ce type de bois que sur du neuf et nordique. Plus neuf que nordique, d'ailleurs, puisque Ikéa ne « communique » pas sur sa provenance...
Le temps passait. L'eau de vie de poire aussi.
François, s'il avait eu une salle d'eau, aurait bien aimé repeindre murs et plafonds, lavabos et bidets avec une résine colorée alu ou gris taupe dont le lot était vendu à 49, 99 euros.
François était gourmand, mais il avait décidé de faire des restrictions budgétaires. Il s'était laissé aller à penser que l'idée de la friteuse qui fait des « frites fraîches, croustillantes et dorées » avec une cuillerée d'huile était source d'économies. On pouvait acheter des pommes de terre presque blettes, puisque le coupe frite était étudié pour, livré avec la friteuse. Les frites ne se colleraient plus les unes aux autres. Oméga 3 et 6, olive, colza, pépin de raisin ou noisette étaient les huiles, mais François utiliserait celle de chez Lidl, riche en acides gras insaturés, en cachette, même si cette dernière ne respecte pas parfaitement l'équilibre alimentaire. La friteuse était diététique, et ne coûtait que 199,99 euros au lieu de 229,98 euros. La cuisson était garantie sans odeur, ce qui aurait plu à Jacques Chirac.
La poire tapée se faisait tard, et les deux compères fatigués.
François fit le compte de ses achats virtuels avant de passer commande par l'intermédiaire de son « panier » qui pour l'heure indiquait « 0 ». Le total était de 1000 euros.
Il aurait pu payer avec une carte OK Shopping, François. C'était chouette, cette carte de chez Finaref SA qui permettrait de payer par mensualités à partir de 15 euros/mois avec un TEG « révisable 17,79 % ». On avait même pas besoin de rembourser, puisqu'on nous prélevait tous les mois pratiquement que les intérêts...en quelque sorte, c'était gratuit: on ne remboursait jamais le capital... C'était presque la même formule que pour La Redoute et la FNAC (sauf que les relevés n'étaient pas les mêmes) mais François ne le savait pas, puisque des crédits, il ne voulait pas en faire pour autre chose que des aliments.
Il aurait pu payer aussi avec une carte Bleue, s'il n'avait pas été interdit bancaire.
François, un peu « énervé » par la poire et Marie-Ange, bringuebalait de la tête. Il venait de décider qu'il en parlerait à Philippe Corcuff qui est un spécialiste jalousé ...
François, mine de rien, venait d'économiser 1000 euros,  plus la consommation de l'électricité de la télé de son ami Jean Pierre.

Ça tombait bien: les  454 euros mensuels de chômeur en fin de droits  auraient beaucoup souffert.

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(1) la Bon-Chrétien est la poire préférée à ma Christine Boutin

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