mercredi 23 septembre 2009

> Le graphique au noeud coulant: des salariés à pendre ?


Noeud coulant


Ce petit graphique, tiré de la page 32 du document "Réussir ACT" continue de faire sa vie, jusqu'à devenir un symbole.

Alors qu'il a fait partie d'un concept tendant à vouloir "faciliter des projets de mobilité" de l'entreprise France Télécom (traduction simultanée: de dégraissage) il vient dessiner la perspective d'avenir du salariat dans une société malade: la corde du pendu.


Rendons à Sud PTT ce qui lui appartient, lui qui fut le premier à mettre à disposition sur internet la plaquette "Réussir ACT" datée de mars 2007, destinée aux "managers" de France Télécom, sur l'art et la manière de contourner, culpabiliser et rendre acteur principal le salarié dans sa propre déchéance identitaire dans une restructuration interne, pour l'en éloigner. Et qu'ainsi l'entreprise continue de son petit bonhomme de chemin dans la rentabilité. D'autres (1), (2°) s'en firent l'écho.

S'il faut en croire les indications des bas de pages du document, la société Orga Consultants, basée à Neuilly sur Seine, en serait le concepteur. Son "management et la gestion des hommes" se résumeraient ainsi: "La gestion du capital humain, levier de performance et de changement". L'approche de son "savoir faire" se termine toujours par un
camembert morcelé.

En l'occurence, le camembert ne renferme pas des asticots, mais les salariés de France Télécom chez qui " la mobilité forcée", déjà décortiquée dans une étude d'octobre 2008 (mais non lue par les dirigeants de France Télécom ?) a conduit aux drames qui font l'actualité.

Lire "Réussir ACT " (ACT= « Anticipation et Compétences pour la Transformation ») rend intelligent... Bon dieu, mais c'est bien sûr, dit le lecteur: ! Ils font cela partout! Ils font cela dans mon entreprise aussi ! Le mécanisme décrit, c'est celui que je connais: mon employeur fait lui aussi de la prose sans le savoir (!?).
Bien entendu, s'agissant d'une structure comme France Télécom, le concepteur s'est méfié de réticences probables chez l'encadrement "executant". Qu'à cela ne tienne. Pour séparer le bon grain de l'ivraie, mais aussi pour se séparer sans état d'âme des "bons", on va "décentraliser" au maximum vers "le bas" le processus de désintégration sociale, le transférer au petit chef, le kapo d'en bas qui fera bien l'affaire. Il lui suffira de lire l'argumentaire et s'y conformer, où il est écrit que par«... l’écoute,
empathie, le questionnement, argumentation, attitude positive…» tout sera circonvenu, donc réglé.




Et puis, la technique s'affine: on y apprend à " Apprendre à combattre les «...freins psychologiques...» des salariés", et, pour qu'ils soient "... les instruments d’une politique de départs difficile à assumer», on suggère de transférer la responsabilité des ruptures à venir sur les victimes désignées!


Bien joué, Bill !
C'est bien là que réside le tour de force: avoir théorisé sur le transfert de la "responsabilité" du décideur vers le salarié, en faire un mode de gestion. Jouer à chat perché la vie de l'individu en lui donnant l'impression qu'il a "choisi". Jusqu'à choisir sa corde.

Ils ne sont pas chouettes nos temps modernes, qui nous offrent des décideurs sans visage et sans nom n'ayant pas le courage de signer en bas de la page les décisions qu'ils ont prises ?


Quoi, la maltraitance au travail serait programmée ?
Où allez-vous chercher tout cela ?


Pendant ce temps là,
> les cours du pétrole augmentent de + 5% .
> à la Bourse, le CAC40 remonte ("...
que du positif disent les investisseurs)
> le chômage continue de grimper.
> le président Sarkozy veut un "
sommet des pollueurs avant Copenhague"


Puisqu'il veut "sortir des jeux de rôle", que le "temps n'est pas notre allié... notre juge", que "nous sommes déjà en sursis", j'ai une modeste suggestion à faire à notre président de la République, au risque d'être aussi pendu à un croc de boucher : si ce sommet de chefs pollueurs pouvait aussi examiner et prendre des décisions d'alarme (et continuons de raisonner par l'absurde, décider de sanctions, peut-être) sur les conséquences des modifications (la casse) récentes du code du travail en France sous la houlette du Président français, ce serait une bonne chose. J'allais écrire que "ce serait justice".
Mais non.

Parce que la justice s'en est allée, fondue dans les espaces associaux d'une société glacée, dont le permafrost s'alimente du non partage et de l'écrasement des plus pauvres.

N'y allons pas par quatre chemins: dans le même temps qu'on endort le quidam en "twittant"avec Clearstream ou sur de prétendus fantasmes VGE/Lady Di, s'installent la résignation pour ligne de vie, et, sans crier gare, les plus grandes désespérances, en cortèges explosifs.

Oui, je sais, des lecteurs diront "Encore un qui prédit des catastrophes quand rien ne s'agite autour de nous". Que, justement, la rareté des manifs fait rigoler le Président.
Il suffirait de bien regarder autour de nous l'atmosphère urbaine actuelle et lui donner un sens (des mouvements sociaux naissent et vivent en dehors des confédérations syndicales) pour ne plus sourir. 

1 commentaires:

gauchedecombat a dit…

bravo ! je suis épaté, ce billet est l'un des des meilleurs que j'aie lus depuis longtemps !

"la justice s'en est allée, fondue dans les espaces asociaux d'une société glacée"... Excellent ! j'en redemande !

Enregistrer un commentaire