vendredi 11 avril 2008

> La salariée qui paie son emploi.


C'est l'histoire de Françoise.
Elle est obligatoirement importante, puisque c'est son histoire.
Qui a dit que les salariés n’étaient pas assez dociles ?
Voici pourtant du vécu. Une histoire vraie, donc.

Françoise travaille chez ce commerçant depuis quelques années, mais les affaires du magasin périclitent ; Françoise le voit bien, qui se rend bien compte de ce qu’elle vend, en la presque totale absence de son employeur, lequel exploite une autre affaire ailleurs.

Soudain, le chèque du salaire de Françoise pour NOVEMBRE lui revient impayé. Présenté à deux reprises à sa banque, il est rejeté pour la deuxième fois, avant qu’un virement soit effectué par l’employeur fin janvier !

Son salaire du mois de DECEMBRE ne lui sera pas réglé, puisque le chèque correspondant remis par l’employeur à la mi-janvier reviendra de la banque début février 2008, impayé… 


Figurez-vous que Françoise, 59 ans, seule au foyer, travaille même en n’étant pas payée ! Avec 1200 euros net, elle ne se plaint pas. Son employeur  apprécie. Il va d'ailleurs tirer la ficelle un peu plus.
Ainsi, la salariée ne sera pas payée pour son mois de travail de JANVIER.

 
Ce qui n’empêche Françoise de continuer de travailler en FEVRIER, mois pour lequel elle ne sera pas payée ! 

Et de trois ! Françoise, droite dans ses bottes, est toujours présente à son poste de travail, sans discontinuer, sans se réfugier dans la maladie... Françoise est indécrottable : figurez-vous qu'elle aime bien son travail.

Comment fait-elle pour survivre, pour n’avoir pas d’ennuis bancaires et locatifs, avec déjà 3 mois de salaires de retard ? C’est que, très tranquillement, elle puise dans ses économies d’une vie pour combler le trou bancaire !
En quelque sorte, Françoise finance son travail ! Le monde à l’envers.
La voilà convoquée à
un entretien préalable à licenciement économique en FEVRIER.
La salariée qui se présente debout, bien entendu. Comme dans un abattoir.
L’employeur lui remettra une documentation CRP, comme il est d’usage dans ce type de licenciement (si le salarié l’accepte, il n’est pas décompté comme chômeur… Allez savoir pourquoi on entend à la télé que « le chômage baisse »,!).
Mais cette remise de documents à la salariée ne donne pas de coup d'arrêt à sa mésaventure: les Services sociaux s’empresseront de signifier à Françoise qu’elle n’y a pas droit, en raison de son âge!


L’employeur attendra la date butoir en MARS (dernier jour légalement possible) pour signifier à la future ex-salariée un licenciement économique… alors que la lettre reçue est écrite antérieurement de quinze jours.
Pourquoi cet écart ? C’est que l’employeur a dû se dire que plus tard il enverrait la lettre de licenciement, plus tard s’achèveraient les deux mois de préavis. Qu’ainsi, à coup sûr, Françoise, si pugnace mais si docile, donc si peu chère de coût d’emploi, serait encore là à travailler gratuitement un maximum de temps!
Pas si bête l’employeur ? Tricheur et calculateur, en tout cas, puisqu’il prévint la Direction du Travail dès la mi-FEVRIER du licenciement économique… quand la salariée attendit jusqu’au début MARS !

 
Françoise, face à ces coups du sort, a dû se résoudre à saisir le Conseil de Prud’hommes en sa formation de référé afin d’obtenir un jugement qui l’aiderait à être payée de ses salaires.


Mais à la mi-mars, la cabane tombe à nouveau sur le chien : Françoise reçoit une lettre d’un
mandataire judiciaire l’informant que le Tribunal de commerce du coin avait ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de son employeur. Et que donc, en conséquence, elle était convoquée, un jour de MARS, pour être licenciée ! Diable : licenciée deux fois ! Quel honneur !


Françoise se sentit envahie par un étrange état d’énervement; elle se demanda si les salariés, en 2008, méritaient bien de pareilles péripéties cumulées, au moment où ils vont grossir les rangs des exclus définitifs du travail.


C’est l’AGS qui paiera les salaires de Françoise, ainsi que les indemnités de rupture. Quelques (longues) semaines plus tard. 


Qu'elle plaise ou pas, ceci était une histoire vraie, sauf le prénom de la salariée.

Comme l’écrivait Thierry METEYE, directeur de la Délégation Unedic AGS en novembre 2002, l’AGS « …est l’expression de la solidarité des employeurs, formidable et efficace outil de paix sociale. »...
Un « outil de paix sociale »? Tiens, voilà une formulation qui rappelle quelque chose...

 

Petit licenciement mal ficelé mais ordinaire qui amène cette question: jusqu’à quand les salariés de France vont-ils se taire, à quel prix, quand on leur demande rien de moins que leur vie pour réguler le sous-emploi et les incompétences et qu’ils en arrivent à ne plus pouvoir subsister ?

1 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour et merci pour ce témoignage.
Il est surprenant qu'il n'y ait pas plus de violence dans ces guerres pot de terre contre pot de fer.
L'ouvrier est vraiment un rien jetable...
Pourvu que les anesthésies se dissipent et que le nombre retrouve sa force.
Encore merci
17/05/2008 12:42Par Bonne-voglie

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