jeudi 24 février 2011

Trichet, la bêtise, la gauche



 

 Vous n'êtes pas d'accord avec Jean-Claude Trichet ? Pourtant, il a raison.


Il a dit que toute augmentation de salaire « serait la dernière bêtise à faire » dans le contexte actuel. Les pays "qui ont su maîtriser leurs coûts connaissent un grand succès en matière de réduction du chômage", a-t-il ajouté, faisant référence à l'Allemagne.
Son raisonnement est juste, dès lors qu'il ne veut pas redistribuer les richesses. Augmenter les salaires serait de ce point de vue une bêtise à laquelle n'adhéreront ni le Medef ni le gouvernement: eux non plus, de la justice sociale, ils n'en veulent pas.
Trichet, a des certitudes: il dit qu'augmenter les salaires, c'est faire augmenter l'inflation. Or, c'est son job de lutter contre l'inflation, pour la bonne cause qu'il défend. Il est payé pour cela. Sans augmentation de salaire, espérons-le. Lui, l'inflation le gêne. Pas l’accumulation des richesses dans les mains de quelques uns.

A l'heure où les prix du pétrole font un bond en avant (hier le prix du baril valait 105 $US, soit son plus haut niveau depuis septembre 2008), et à cause de cette chèreté, le prix des produits « de base », celui de la nourriture, vont augmenter. Va donc se poser le problème du pouvoir d'achat des salariés. De ceux qui se rendent au travail en voiture, le coût du chauffage, celui de l’électricité, etc. Pour y faire face, les salariés vont vouloir que leur salaire soit augmenté.

Jean-Claude Trichet, le sait. Son propos est de faire penser à autre chose, pour ne pas s'attarder sur l'immédiat, insupportable pour la masse. Il dit s'intéresser au chômage, et sa méthode est claire : c'est au salarié encore en poste de payer le coût d'une embauche ! Au delà de son obsession sur l'inflation, il est du camp de ceux qui disent que ne pas augmenter les salaires, c'est faire baisser le chômage, quand d'autres affirment que les salariés mieux payés consommeront plus, et donc que les entreprises ayant un regain de productivité, un surcroit de travail, embaucheront.

Il ne faut pas prendre Jean-Claude Trichet pour ce qu'il n'est pas : sa phrase n'est pas maladroite. C'est qu'il ne veut pas changer cette donnée bien assise depuis vingt ans : les salaires augmentent moins vite que la productivité au travail, d'un point par an, lequel est dédié aux profits, qui servent non pas à réinvestir le champ productif du pays mais augmentent les dividendes des actionnaires. Depuis ces vingt dernières années, la bourse des entreprises du CAC40 augmente, les dividendes des actionnaires s'épanouissent.

Il fallait bien que cet argent vienne de quelque part. Il provient de la mise à l'écart de la question sociale. Sous l'étouffoir stagnent les salaires et la demande globale. Grimpent chômage et précarité.
Regardez comme la droite n'accorde plus de coup de pouce au SMIC. Elle a même fait un pari diabolique : concéder des « allègements » aux entreprises, qui pour profiter des exonérations, doivent rester sous un certain seuil de salaire... ce qui les pousse à ne pas augmenter les salaires ! Avec en prime la réduction de la protection sociale.

Alors, dans un contexte d'extension de la sphère des profits, de réduction de la protection sociale, d'amoindrissement des capacités d'intervention de l’État et de destruction des services publiques,que fera la gauche pour réduire le chômage et la précarité, pour augmenter les salaires ?
En, d'autres termes, va t elle s'atteler à redéfinir la place du travail dans notre société, et pour cela, faire sauter les verrous aliénants qui sont serrés dans cette dernière législature et non s’accommoder de quelques  coups de peinture ?
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(illustration de titre: céramique de Saverio Lucariello 

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