mardi 7 septembre 2010

> L'intersyndicale et eDarling




L'histoire du mouvement social retiendra ce qu'elle voudra. Que les chiffres du ministère de l'intérieur ne coïncident pas avec la réalité n'aura que peu d'importance à l'échelle du temps. Elle ne retiendra pas que le président Sarkozy ait fait une déclaration le lendemain du 7 septembre 2010 lors du conseil des ministres et non au peuple de France sur ce qu'il a décidé de faire semblant de mettre dans la négociation, comme prévu au plan com de son conseiller Soubié .

L'histoire retiendra d'abord que l'épisode de la réforme des retraites en 2010 n'aurait dû être qu'une réforme de la fiscalité.


L'histoire retiendra enfin que le syndicalisme était vraiment entré dans le XXIe siècle: l'intersyndicale eteDarling se sont associés pour faciliter la militance et la réactivité, pour s'adapter aux temps nouveaux. Du sponsoring intelligent.

Peu de manifestants du 7 le savaient. J'avais eu le privilège de l'information lors de l'université d'été du Medef au terme de laquelle Laurence Parisot avait invité les entreprises françaises à faire montre de plus d'« audace » pour « accélérer la sortie de crise ».  Elle avait bien senti qu'il fallait «  passer à autre chose, et que pour ce faire « il faut de l'audace ». C'est de cela qu'elle parlait. Mais eDarling s'était déjà acoquiné avec l'intersyndicale ouvrière.

L'intersyndicale.
Pas besoin de vous présenter l'intersyndicale, - qui soit dit en passant, se réunit le 8 septembre pour « débriefer la journée d'action du 7 » et décider si elle sera amenée à « poursuivre l'action et la durcir encore et/ou revenir à la table des négociations » - où toutes les composantes disent que le projet gouvernemental est injuste mais qui ne demandent pas toutes son abandon...

eDarling.
eDarling est un nouveau né en matière de relations.
C'est un « site de  rencontre unique en son genre. ». Rien ne lui « importe plus que de trouver la personne qui nous conviendra à la perfection. » Ils ont placé la « barre très haut ». Partant du principe qu'il est « possible de trouver l'amour sur Internet » et en défilant, un utilisateur responsable syndical a eu cette géniale idée d'en faire une extension sociale.

Ensemble, ils sont partis d'une idée simple: beaucoup des manifestants potentiels n'en ont rien à secouer de la retraite à 60 ans: la manif, c'est simplement l'occasion de se montrer en première ligne au moment où cela fait mode et qu'il est temps de montrer ses dernières soldes de chez Décathlon. Il manquait juste un chatouillis d'affectif que viendrait combler l'offre conjointe de l'intersyndicale/eDarling pour vous faire mieux cheminer dans les jours prochains. Pour essayer de vous fidéliser, en quelque sorte. C'était le but.

La montée en puissance de leur deal dans les jours qui viennent va faire jaser. L'intersyndicale et eDarling assurent que vous allez trouver l'amour et découvrir « les joies d'une relation sincère et durable » lors des manifestations futures.

Mais d'abord, pour se faire, il faut d'abord se rendre sur internet. Après le clic et le déclic, vous aurez à indiquer si vous êtes un homme ou une femme.
Au second clic, les affaires se corsent: on vous prie d'indiquer si vous cherchez un homme ou femme. C'est important, dans une manif. Cherchez bien, mais pas trop: passées quelques secondes, LOPPSY 2 risque de s'en mêler, à votre grand désavantage. Ensuite, vous indiquez votre e-mail.
Après, l'amour de votre voisine dans la future manifestation unitaire peut vous sourire. Peut-être même celui de deux ou plusieurs autres manifestantes. Ne refusez pas, vous ne risquez plus rien, puisque le Président Sarkozy a renoncé à punir la polygamie. Nous l'avons échappé belle.

La manifestante d'à côté vous « redonnera le sourire ». Vous redeviendrez le roi du monde, « the big one », car l'intersyndicale et eDarling savent « que votre personnalité, vos besoins, vos désirs ou encore vos exigences au sein du couple sont autant de choses qui vous rendent unique... ». Le gouvernement a du souci à se faire.

Etonnez-vous que cette journée de protestation nationale ait connu cet indubitable succès !

J'ai testé pour vous.
Je m'étais d'abord assuré auprès du service d'ordre que Jean-Marie Banier n'était pas présent dans le cortège, tant il eut pu gâcher mes approches. Quand j'appris qu'il se trouvait à Paris, je commençai ma manœuvre.
J'avais ma petite idée.
Le cortège s'était ébranlé depuis un quart d'heure quand je rejoignis la section de manifestants « payeurs d'ISF ». Oui, vous avez bien lu. Nous aimons, ici, savoir qui est qui, y compris dans les manifs. Nous défilons par affinités, et plus si nécessaire.
Sans qu'il n'y paraisse de prime abord, cette façon a un coté sympathique: chacun peut montrer sans fard, sans se fondre dans la masse, que les nantis sont aussi des graines de révolutionnaires. Même ceux qui passèrent cinq semaines de vacances cet été à Ramatuelle, sans Club Médiapart, en plongée aux Galapagos où sur le bateau familial ancré dans le port de Saint Tropez. Quand le vent risque de tourner, mieux vaut prendre une nouvelle assurance-vie. Besson et Kouchner me comprendront.

Toujours est-il qu'il semblerait que la méthode fonctionne: promis, juré, Liliane et moi nous nous retrouverons à la date du prochain épisode des luttes sociales. Nous croisons les doigts pour que la CFDT ne nous fasse pas faux bond.
Les couleurs de l'amour et de la retraite sont tendance cet automne ?
Grimpons-nous sur les pieds les uns les autres.
Le bonheur est dans la rue.

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