vendredi 24 septembre 2010

> La politique du deuil



Sur la retraite, l’Élysée attend que lopinion fasse son deuil.


Sur la médecine du travail, on fait écrire que « les syndicats se résignent ».

Nous y voilà. 


Ils désignent les morts et nous demandent de faire le deuil. La nécrophilie d'État en guise de débat.
La dramaturgie pour toutes les bourses et surtout celles du palais Brongnart.

Après celui de « l'ascenseur social » on nous laisse le temps de voir qu'ils font pipi sur celui de la retraite.



Ils sont bons: ils nous avaient dit maintes fois qu'ils ne reculeraient sur rien, mais nous laissent marcher à notre rythme pour que nous nous habituions à une absence de plus, que nous fassions le deuil des idéaux par petites morts successives.

Tellement coupés de nous, ils décident seuls, passant du mensonge aux silences, et nous invitent à ruminer, à nous faire du bien par cortèges funèbres qui, pensent-ils, tueront dans l'œuf toute révolte ou toute insurrection.

Ils nous parlent doucement, comme à des enfants malades.
Ils nous maternent, nous conduisent vers la porte d'entrée d'un monde d'adultes sans idéaux, persuadés qu'enfin nous admettrons qu'il est moral de laisser sur le bord du chemin ceux des générations précédentes.

Ne pas réclamer d'avenir, disent-ils, et jouir de la seule esthétique des larmes.

Ils nous montrent du doigt le bon chemin, avec au bout le mausolée auquel nous aurons droit pour avoir intégré l'idée qu'il fallait dorénavant vivre ni « comme » ni « avec » les autres et qu'il était opportun de savoir vivre dans une République qui broie les plus faibles.

Après avoir décidé seuls, ils conduisent l'attelage du mort. Nous ruminons, mais rien de sort.
Nous défilons pour le deuil.
Ils nous regardent et attendent le lâcher prise, l'acceptation de la perte et la demande du pardon.

Dans les écoles, les bureaux de vote devenus chapelles ardentes, seront pourvus de personnel pour nous passer les huiles, nous aider à pleurer, nous rappeler que jamais nous ne retrouverons le monde d'avant et qu'il fallait en faire notre deuil aussi.

Anthropophages, ils imposent le deuil quand le défunt fait partie des présents, et l'exigent sans mémoire: ils ne veulent plus de traces.

Sur la scène de ce théâtre d'ombres, la politique des riches et les fossoyeurs de la "démocratie économique et sociale" issue du  CNR frappent des coups, se nourrissant des affects d'un peuple.

Marbre et granit vont voler bas.

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