lundi 7 juin 2010

> une honte nationale: la rupture conventionnelle




Nous connaissons tous quelqu'un à qui on a « proposé » une rupture conventionnelle.
 300.000 conventions ont été homologuées depuis 2008 et déjà 20.000 pour le seul mois de mars 2010.
La rupture conventionnelle, on ne le répètera jamais assez, c'est l'enfant caché des amours coupables du Medef et de l'Exécutif. Il faut en reparler.


C'est ce que faisait perfidement Sophie de Menthon dans un billet à propos de Laurence Parisot en mai 2010: « Avant de publier un nouveau programme, encore faut-il objectivement faire un bilan du précédent». Elle assène, entre autres amabilités (en avril 2010, Sophie de Menthon se présentait à la présidence du Medef mais y renonçerait très vite) :
« Dans les faits, seuls deux accords sont à l'actif de l'actuelle présidence du Medef pour illustrer ce bilan : celui portant sur la représentativité syndicale et celui portant sur la modernisation du marché du travail, qui inclut notamment une disposition créant la rupture conventionnelle ». La sentence à du poids, venue de l'intérieur.

Ce jugement porte sur deux réalités emblématiques (« historiques » affirme Laurence Parisot): celle sur la réforme de la représentation syndicale qui n'en finira pas de précipiter les syndicats ouvriers dans l'abîme, et ce nouveau moyen de se débarrasser mieux des salariés qu'est la «rupture conventionnelle ».

Ce dispositif, on sait ce qu'il n'est pas: ni un licenciement, ni une démission, et encore moins une transaction.
On sait ce qu'il est: une honte nationale. Ce sera un devoir civique de le supprimer.

C'est la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 (L. 1237-11 à L. 1237-16 du Code du travail) qui a mis sur la place publique ce qui est présenté comme un moyen de « se quitter en de bons termes », « divorcer à l’amiable » dans l'entreprise, en donnant droit au salarié à des indemnités de départ et à l’assurance chômage.
Les PME et TPE en sont les plus voraces: 75% des ruptures à l’amiable négociées lors du premier semestre 2009 l’ont été dans des établissements comptant moins de cinquante salariés. Ce n'est pas un hasard: c'est là que les salariés sont les plus fragilisés. Et c'est là que la démocratie citoyenne est interdite, en témoigne la tentative avortée de mise en place d'un « dialogue social » dans les TPE. Le Medef à la manoeuvre, encore.

C'est une arme pour contourner les règles en matière de licenciements économiques
D'ailleurs, cela ne trompe plus personne, puisque la Direction Générale du Travail a publié une Instruction DGT n° 2 du 23 mars 2010 relative à l'incidence d'un contexte économique difficile sur la rupture conventionnelle d'un contrat de travail à durée indéterminée: cette rupture ne doit pas priver le salarié, notamment dans le cadre des licenciements collectifs économiques, des garanties attachées aux accords de GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences) et aux PSE (plan de sauvegarde de l'emploi).(voir document PDF annexé)

C'est une facilité pour faire partir les salariés « seniors ».
Les entreprises y ont de plus en plus recours, indique une étude du Ministère du Travail, alors que dans le même temps Medef et gouvernement veulent repousser l'âge de la retraite !
Même L’OCDE s’en inquiète dans son article « Etude économique de la France 2009: Avancée des réformes du marché du travail et dans les autres domaines » où elle met en garde contre le risque que « les employeurs puissent abuser du nouveau dispositif de rupture conventionnelle pour se séparer des seniors à bon compte et aux frais de l’assurance chômage. »

C'est une véritable mystification.
Alors que l'article L 1237-11 du Code du travail précise que la rupture conventionnelle ne peut être imposée par l'une et l'autre partie, qu'elle repose sur le libre consentement des parties au contrat et plus particulièrement du salarié, une multitude d'employeurs n'ont de cesse de menacer le salarié de licenciement s'il n'accepte pas la signature d'une convention de rupture conventionnelle. C'est ce que confirme ce cabinet d'avocats : « Ce type de rupture peut poser une difficulté, le salarié n’étant pas à l’abri de pressions pour se voir imposer ce mode de rupture en lieu et place d’un licenciement pour faute ou pour licenciement économique ».

Voyez en Alsace: « En 2009, il y a eu 5.789 ruptures conventionnelles en Alsace. L'inspection du travail nous a dit qu'elle est consciente qu'il y a des consentements viciés, par exemple parce qu'on dit au salarié que s'il refuse la rupture conventionnelle, on le licenciera en utilisant le motif de la faute", affirme Evelyne Isinger, secrétaire générale de l'Union départementale de la CFTC du Bas-Rhin.

Voyez au Pays Basque: « A Lauak,... où quelque 270 salariés qui travaillent dans l'industrie de l'aéronautique (« la souplesse d'une pme et la force d'un groupe: gagner sur tous les terrains »): c'est donc le refus d'un employé à une rupture conventionnelle qui a mené à une procédure de licenciement pour sabotage. Alors que 12 personnes sont prêtes à témoigner, le CE et l'inspection du travail refusent ce licenciement ».

L'internet regorge d'autres cas qui témoignent de l'ampleur des dégats. Exemples:
> un secteur sera délocalisé à Madrid, ce qui met l'employeur en position d'avoir à faire face à des licenciements économiques, alors qu'il propose des ruptures conventionnelles.
> « ma société venant d'être rachetée par un groupe, et dans le cas d'un refus de mutation (>65km) on me propose une rupture conventionnelle de contrat de travail. Puis-je refuser et demander un licenciement économique nous sommes une vingtaine dans le même cas au sein de la même entreprise».

Sur ce site, on constate que la rupture conventionnelle «... (qui) ouvre certes des droits au salarié (indemnités de rupture et de chômage), fait intervenir les services de contrôle du travail, ce qui est pour le moins topique, mais « verrouille » le contentieux et met surtout de côté le droit du licenciement. C’est donc un nouveau coup de butoir donné à l’ordre publicsi important en droit du travail. Par l’expression de volontés individuelles, il devient possible de s’affranchir du dispositif du licenciement qui requiert la justification de cet acte, manifestation ultime du pouvoir patronal. Partant, c’est aussi le contrôle du juge qui concrètement s’amenuise. Voilà qui est préoccupant lorsqu’il s’agit de la protection des salariés ».

De qui émane l'initiative de la rupture conventionnelle ? Pour 75% des cas, cette initiative émane de l'employeur !

Ceci explique cela : la transcription d'un Colloque sur le sujet (blog de M° BAUER) indique que la rupture conventionnelle est «... souvent un choix contraint, le salarié étant la partie la plus faible du contrat de travail et pouvant difficilement exercer un choix libre ».
« ...Dans nos cabinets, nous avons reçus des salariés qui ne souhaitent pas réellement partir mais qui n'en peuvent plus, qui subissent une pression tellement importante qui les pousse à demander la rupture conventionnelle... Le fait est que la rupture conventionnelle est de moins en moins une rupture souhaitée... la négociation entre le salarié et l'employeur estbiaisée, elle s'effectue alors que le salarié et l'employeur sont encore liés par ce lien de subordination qui ne les place pas sur un pied d'égalité...
L'employeur profite alors de sa position de force, il exercera des pressions. Il indiquera au salarié « si vous n'êtes pas d'accord, c'est bien dommage, le conflit sera dur à vivre et je serai contraint de vous licencier pour faute grave. » « Il pourra dire au salarié que s'il recherche un nouveau travail, son nouvel employeur risque de se renseigner et avoir été licencié pour faute grave ne va pas plaire... Le but de l'employeur étant de contourner la législation protectrice du salarié et de ne plus avoir de compte à rendre...»

Et la DDTE, comment s'exerce son contrôle ? On vous répondra que le formulaire de convention ne donne pas d'information suffisante pour effectuer un réel contrôle !

Pendant ce temps-là, les statistiques « démontrent que la plupart des salariés qui ont rompu de manière conventionnelle leur contrat de travail n'ont pas retrouvé d'emploi et pointent au chômage, ce qui prouve que la volonté de partir n'émane pas forcément du salarié mais beaucoup plus de l'employeur.
De plus en plus de salariés se sont inscrits à pôle emploi pour faire valoir leurs droits d'où une question légitime que l'on peut se poser : est-il normal et moral de faire supporter à la collectivité des choix personnels ? ».
Heureusement, l'employeur n'est pas seul, lui... Il peut souscrire à une couverture « Garantie Prud'homale Emploi » s'il fait une « violation sociale » dans un contexte de « nouvelles lois sur la parité, les effets de la Halde, les modifications régulières des conditions d'embauche sont autant de raisons qui font du risque social un véritable aléa pour les entreprises »... 
Les futurs candidats pour 2012, les yeux ouverts, s'honoreraient d'inscrire la suppression de la rupture conventionnelle à leur menu.

++ 

> Comment contester une rupture conventionnelle? Voir document PDF attaché.





Fichier attachéTaille
instruction_DGT_n02_du_23_mars_2010_rupture_conventionnelle.pdf119.33 Ko
CONTESTATIONS_DES_RUPTURES_CONVENTIONNELLES._.pdf58.47 Ko

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire