mercredi 5 mai 2010

> Economie de guerre




Pas facile à résumer la crise européenne actuelle. Essayons. la Grèce a explosé sa dette, elle serait « sortie des clous » d'un « pacte de stabilité et de croissance » signé entre tous les pays de la zone euro.
Ce pacte crée des soucis. Il ne serait pas assez rigoureux pour inspirer « confiance » aux investisseurs qui sont les tireurs de ficelle des économies mondiales. Ils veulent pouvoir se réveiller le matin sans craindre des lendemains qui déchanteraient à Monaco ou aux Iles Caïmans.


Il leur faut du sûr et du solide. J'achète, je te revends, je te prête, j'empoche de plus en plus ou je te tue et je m'en vais ailleurs. Il faut aller très vite, avoir des stratégies mouvantes organisées en commando. Organiser des pillages, manœuvrer des finances, spéculer et casser. Porter de mauvais coups puis prêter aux riches, qui, en reconstruisant le défait, leur rendront au centuple. Aux fourneaux des Hilton des places boursières, c'est la recette des fortunes méritées.
Ils n'y sont pour rien, les investisseurs, c'est le système qui veut ça...

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Justement, ils se sont intéressés longtemps à l'Europe. Mais sa rentabilité s'essouffle. Il y a donc un coup à faire. Du profit en ligne de mire. Alors, au bord de la piscine, ils vont savonner la planche.
Figurez-vous qu'ils sont tristes, les investisseurs. Ils se sont aperçus que les pays européens trichent avec leurs propres règles, qui permettent aux investisseurs de remplir leurs caisses, croître et embellir. Alors, ils ont peur de l'avenir. Les investisseurs disent que les gouvernants ne sont pas assez stricts. Ce n'est pas difficile de les rassurer, ils ne demandent pas grand chose: il ne faut pas faire trop de sentiments. Il suffirait que les pays soient plus économes des deniers publiques pour que les pays soient en mesure de payer les dividendes de l'argent que les investisseurs leur prêtent. C'est simple.
La Grèce est la première à tomber dans la partie de dominos.
Comme la Grèce n'est vraiment plus juteuse, qu'elle n'est plus fiable, les rapaces de la finance (dans le vrai langage, on dit investisseurs) ne s'intéressent plus à la Grèce. Ils sont partis.
Mais, mettez-vous à la place des investisseurs: ils en feront quoi de leur argent, gagné honnêtement à la sueur du front des autres ? Il faut bien continuer de le faire fructifier !
Alors, ils se rabattent sur la France et l'Allemagne où les profits seraient encore sûrs. Ils sont plus sûrs, parce que la réalité de leur gestion et les projets de rigueur sont rassurants pour les investisseurs. Ils savent que la France de Sarkozy et l'Allemagne de Merkel sont les bons petits soldats du système en place. Qu'ils ont déjà commencé à s'adapter. Même s'ils divergent un peu sur la vitesse, ils valsent de concert sur le parquet du bal.
Pour garder les investisseurs, il faut trouver de l'argent. Logique, puisque les investisseurs ne s'intéressent qu'à l'argent !
Pour que les gouvernants d'un pays trouvent de l'argent, c'est simple: il ne faut pas en donner. C'est la méthode inverse que celle des investisseurs.
C'est élémentaire. Ne pas en donner mais en trouver quand même. Alors, il faut trouver l'argent là où il est: dans les mains des travailleurs du pays. Puis d'Europe. Il faudrait, pour rassurer les investisseurs, uniformiser par le bas les conditions de vie des travailleurs d'Europe. Ça représente beaucoup d'argent. De chômeurs et sueurs et de larmes aussi, dites vous? Ça n'est pas le sujet.
Ayant moins de charges, les industries tourneraient mieux dans chaque pays. En ayant plus de recettes à cause d'économies, chaque pays serait un endroit sûr pour faire exploser les caisses des investisseurs qui, en contre partie accepteraient, en nous prêtant de l'argent, de laisser tourner nos industries en ne les sabotant pas. Les investisseurs sont les aiguilles de l'horloge dialectique, qui indiquent l'heure qu'ils ont décidé qu'il est.
L'espoir et la confiance revenus, les investisseurs, investiraient à nouveau dans le pays (ou ailleurs). Ils seraient nos souteneurs.
Pour y arriver, rogner sur les salaires et les retraites serait le plus urgent. Quand on dit aux investisseurs que chaque pays a son histoire et qu'il est composé d'hommes et de femmes qui doivent pouvoir vivre décemment, ils répondent par l'intermédiaire de la Bourse qui est le dernier salon où ils causent, que chaque jour perdu est de l'argent qui ne rentre pas dans les caisses des investisseurs, (lesquels, soit dit entre nous, peuvent être de notre pays) et qu'ils ne nous prêteront pas.
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Alors, la recette vient d'être appliquée en Grèce, en échange de la mise en œuvre d'un « plan d'austérité » qui pèsera sur les plus pauvres (impôts, taxes, salaires et retraites diminués).
Le FMI de Strauss-Kahn et les autres pays européens prêtent de l'argent à la Grèce. Il ne changent pas les règles du jeu, non. Ils ne donnent pas, ils prêtent. Ils prêtent à un pays déjà lourdement endetté. Ça n'est pas bien de pousser la tête dans l'eau à quelqu'un qui se noie? Non, mais la morale est sauve: ce prêt rendra l'honneur capitaliste à la Grèce et la possibilité de faire se restructurer le pays. Enfin, et ce sera justice puisqu'il s'agit d'un prêt – la Grèce devra rendre l'argent avec intérêts – l'opération rapportera du profit aux prêteurs et différera un peu la propre déchéance des pays prêteurs. Grâce aux ennuis de la Grèce, donc. Merci la Grèce.
Cet argent rendu aux pays prêteurs permettra aux pays prêteurs de rembourser une partie des intérêts des emprunts qu'ils ont contracté depuis longtemps ou récemment auprès des investisseurs. Vous me suivez ?
Ainsi, les investisseurs auront confiance.

Ce serait trop simple d'en rester là.
Là où ça se complique, c'est quand on apprend qu'un des pays prêteurs, la Slovénie, « membre de la zone euro depuis 2007, va être contrainte d'emprunter pour pouvoir participer au plan d'aide financier de 110 milliards d'euros du FMI et de l'UE à la Grèce. » On est prié de ne pas sourire.
En contrepartie de ce prêt que doit contracter la Slovénie pour prêter à la Grèce, la Slovénie est sommée de « revoir son budget ». Donc, de faire comme la Grèce, comme l'Espagne qui a aussi le feu au lac et comme les autres pays dont la France qui maquille sa réalité: l'austérité.
Quand tous les pays d'Europe se seront attelés de façon sérieuse aux coupes sombres, les investisseurs auront moins peur. Sauf des mouvements sociaux. Des gauchistes, diront-ils. Heureusement, partout, pour protéger leurs profits, les investisseurs auront dans chaque pays d'Europe des hommes d'ordre bardés de cuir, casqués, matraqueurs, gardiens d'une économie qui prend des allures de guerre en temps de paix. Pour leur seul profit.
C'est à un bouleversement profond des structures économiques et sociales vers lequel nous sommes dirigés en temps de paix.
Tranquillement, l'Europe, parce que des puissances d'argent l'ont décidé et qu'elles parient sur le chaos, s'enfonce dans un processus qui porte un nom: l'économie de guerre.

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