mardi 2 février 2010

> L'augmentation de salaire de mon DRH

(vivre avec 100 000 euros net par an.)
J'avais passé ma matinée à un petit déjeuner du MEDEF où Laurence se faisait du mauvais sang pour sa réélection. Elle digère mal les critiques, Laurence. Celles d’Alain MINC, notamment qui a dû prendre sa carte à la CGT avant d’avoir déclaré "S'il y avait un dixième du talent de l'État-major de la CGT au Medef, les choses iraient mieux...".
 
A peine étais-je revenu dans l’entreprise que mon DRH avait demandé une entrevue. 
Je me souviens très exactement du moment, à cause de deux détails: sur l’écran géant de mon système Home Cinéma équipé de matériel de diffusion très haut de gamme Indus (40.000 euros) parfaitement intégré dans mon bureau, je voyais en même temps, le son coupé, Jack Lang, de retour de clinique après son douzième lifting qui devait expliquer, sans rides mais avec véhémence, qu’il était de gauche. Enfin, j’imagine. Et de l’autre Klaus Nomi chantant en sourdine la pathétique "Cold Song d'Henry Purcell. La conjonction des deux célébrités avait marqué l’instant.

J’avais été betteravier, dans cette plate Beauce que j’affectionne. Mon père l’avait été avant moi. J’en ai gardé la même rudesse de ton et les détours madrés. J’ai coutume de dire que chaque pied de betterave était un galet d’une plage que l’on achèterait.
Ma famille avait su se reconvertir à temps avant que l’Europe de Bruxelles vienne se mêler de nos affaires en imposant la PAC et nous créer des problèmes sans fin, même si le prix du sucre d’ici est encore juteux. Nos amis de la FNSEA nous avaient vu partir et investir. J’avais prospéré. Évidemment pas au CAC 40 mais tranquillement en haut du panier, sans faire de bruit. L’enfant se porte bien. 

Le département RH est vite devenu important. Le DRH en tire une satisfaction visible. Il est docile, mais il m’énerve un peu.
«Vous pouvez vous asseoir ! »
Il était là, raide dans son costume anthracite. J'ai eu cette intuition: il allait me demander une augmentation de salaire. Ce serait un mauvais jour.
Il se lança. Je détournai la question, bifurquant aimablement sur le temps qu’il faisait en bas de la tour. Mais il fallu vite faire face.

«Votre salaire ne correspond pas à vos attentes
C’est l’éternel problème. On a toujours sur la question des réponses différentes. Dans pareil cas, il faut d'abord tenter de désamorcer la tension pour avancer, avec lui comme avec les autres. Mais lui le sait. Essayer de ne pas y mettre trop de passion.
Je l’invitai à me servir un café, sans le commander… Je savais bien que cela lui déplaisait. Devait se sentir comme en réunion avec les délégués du personnel, mais dans la position d'infériorité...

Il m’avança brillamment que sa fonction RH n'était pas assez valorisée eu égard au discours ambiant. Qu’il pensait «sincèrement» que nonobstant les 3% d’augmentation annuelle habituelle, il n’était pas assez rémunéré par rapport à la place qu’il occupait dans l'entreprise.
«-Je vous entends bien. Vous connaissez ma politique: je considère la rémunération en fonction des critères de stratégie et de création de valeur. Vous le savez bien, puisque vous l’appliquez aux autres ! La crise actuelle, de plus, nous joue de vilains tours. Alors, comprenez, je ne peux trop investir sur le long terme.» 
Il savait bien aussi qu’un allongement de la masse salariale ne serait pas opportun en moment, même si sa fonction est «stratégique» et «créatrice d’emplois», les deux conditions que j’impose pour l’ouverture d’éventuelles concessions salariales.

« - Votre fonction est «stratégique». Oui, bien sûr! Si elle ne l'était pas, je vous proposerais une modification du contrat de travail, un mi-temps par exemple» plaisantai-je.
 «Si elle ne létait pas, votre salaire ne pourrait être valorisé plus quil ne serait pas compatible avec une gestion saine de lentreprise.»!  Il était agacé par cet humour râpeux.
Provocateur: «- Votre fonction est-elle «créatrice demplois»? Il hocha la tête pour me dire qu’il passait plus de temps à licencier quà embaucher.
« - Alors, vous voyez bien !  »
       - Mais Monsieur, je suis à la place où votre discours m’a assigné!». Il avait de la répartie.

Je lui rappelai les règles essentielles d’une bonne gestion. Qu’il fallait cette année plus que d’autres serrer les frais périphériques, que la meilleure façon d’en faire prendre conscience était de communiquer mieux avec tous et que je comptais sur lui, manager important, indispensable, talentueux, pour me servir de relais dans l‘intérêt de l‘entreprise. Que je veillerai à ce que son haut degré de compétences puisse trouver des assises harmonieuses par «team building» ou un bon «coatching» pour qu'il puisse «bien travailler tous les salariés».
Il hocha de la tête.
 
Je l’amenais tout doucement à opérer une volte face stratégique, afin qu’il oublia des prétentions salariales que je soupçonnais féroces.
Il fit le constat que je voulais esquiver sa préoccupation. Qu‘il ne pouvait décemment plus se contenter de ses 100 000 euros annuels.
J’esquissai un sourire attristé.
Je me retins de lui dire qu’il fallait rajouter 30% de primes, et la voiture de fonction (y compris les week-end quand il s‘en va à Montargis) … Et la nourriture gratuite. Mais non, je ne le fis pas. Mon petit déjeuner au Medef avait calmé toute agressivité. L’enjeu était autre. Je voyais soudre une révolte qu’il me fallait circonvenir.
«- Vous le savez mieux que moi, ais-je ajouté, vous faites cela tous les jours, vous êtes payé pour ça, il convient «absolument (de) respecter certaines règlesQuand on essaie d'influencer quelqu'un, on ne l'écoute pas : on essaie de le modeler. Or on doit quand même laisser le salarié s'exprimer", comme explique un spécialiste. «Dans le cas contraire, on se coupe d'un retour d'information intéressant et on risque de pousser ses interlocuteurs dans une réticence très forte
 
C’était un rappel qui lui faisait du mal, ce concept qu’il maniait avec talent. Mais il fallait à mon tout l'amener à tirer le meilleur de lui-même à moindres frais, à cause de la crise qui avait faillit mettre la planète à feu et à sang et favoriser le retour des communistes de Marie Georges Buffet et Jean Luc Mélenchon. L’avenir de l’entreprise était entre ses mains...
J’utilisai l’arme absolue, l’appeler par son prénom.
« - Edwy, vous savez bien que l’on ne peut pas toujours changer mes décisions, qu’il «ne s'agit pas de les renégocier, puisqu'elles sont le cœur de l'entreprise, mais d'y faire adhérer les salariés", comme l’explique Jean-Marc Décaudin (*).
«Prenons l'exemple d'une société qu'on privatise. On ne désire pas négocier ce changement d'identité, mais le faire accepter. "On doit donc communiquer vers ses salariés dans le même esprit que si on faisait du marketing auprès de ses clients. Autrement dit, dans ce cas, la volonté est d'influencer.».

Il essaya à nouveau de magnifier sa fonction. 
Que «C'en est bel et bien fini des chefs du personnel de papa : adjudants en retraite, secrétaires de direction montées en grade et comptables du service paie promus à l'ancienneté » * 
Que ça avait un coût. 
Que ce n’était pas un hasard si aujourd’hui naissent et croissent les DRH, qui sont de «véritables experts du développement du capital humain». 
Que grâce à eux, «grâce à leur excellent relationnel ils savent nouer des relations de confiance avec les représentants et élus du personnel, qui seront déterminantes lors des moments critiques.». 
Il disait qu’il gérait le social.
«- Euh !! rétorquais-je, mutin, «Le risque social», plutôt…! Parce qu’il ne faut pas non plus tomber dans l’angélisme. Dans l’entreprise, le risque, c’est le social !».
 
Je dus insister.
« - OUI,  je vous «demande d'être un magicien", de faire dans le personnel la part entre les «chercheurs dor, …les grimpeurs déchelon, …les pragmatiques, les … épicuriens,… les conciliants» (1) * 
     - OUI, je vous délègue cet acte qui me fait mal au cœur, de mettre en œuvre les «plans de licenciement, gérer les reclassements... Et, d'en assumer les conséquences : colère et amertume des salariés, piquet de grève des syndicats.».
Mais «- NON à la fuite en avant sur les salaires» !
Il me peignit un tableau apocalyptique de l’évolution des salaires des cadres d’entreprise, «de l’augmentation moyenne pour 2009 de 2,8 % pour l'ensemble des salariés et d'à peine 3 % pour les cadres» car «la crise a fortement affecté les politiques de rémunération des entreprises".
Il me détailla ce que Pierre Le Gunéhec, responsable de la rémunération globale chez Hewitt Associates, commentait dans les résultats de l'enquête qui vient d'être publiée par le cabinet: «Jamais les augmentations des cadres n’ont jamais été aussi faibles depuis 20 ans», alors que le «taux d'augmentation des salaires pour les cadres a toujours été de l'ordre de 3,3 %.». Que «les entreprises ont évité l'erreur classique dans ce genre de situation de crise : elles n'ont pas choisi de saupoudrer des augmentations à l'ensemble des collaborateurs. Elles ont pris le parti de donner en priorité aux collaborateurs qui enregistrent les meilleures performances" et qu’en conséquence, lui Edwy, devait en être reconnu plus encore. Financièrement, s'entend.

Edwy comprenait bien que «tout dépend de la taille de l'entreprise," mais insistait: " ... en général la fourchette de la paie du DRH se situe entre 80 000 € et 130 000 € bruts annuels.».
Il trouvait humain et cohérent que dans «… la majorité des cas, les DRH bénéficient en outre de différentes primes ou avantages, tels qu'une voiture à temps plein.».
Je pris quelques instants pour consulter un site indiquant que l’APEC, l’Agence pour l’emploi des cadres, avançait que la «fourchette de salaires (des DRH) s’étend de 80 à 130 K€ (soit de 80 000 à 130 000 € annuels bruts, mais les salaires peuvent très bien atteindre 150 000 €.». C'était donc vrai.
 
Je le voyais venir, le Edwy.

J’étais un peu lassé.
«  - Edwy, comprenez-moi bien, je voudrais bien vous augmenter mais je ne le peux pas. Il y a des inconnues encore. Déjà que Marc Touati s’est trompé, qui pariait en mai 2009 qu’il y aurait de telles «fusions acquisitions, donc une forte activité» qu’il «maintenait sa prévision d'un CAC 40 à 4 000 points fin 2009», alors que nous sommes péniblement à 3700 !!! Je ne prendrai aucun risque» . (Il n’a pas eu tort sur les fusions-acquisitions…)

« - Edwy, vous avez bien accepté en comité directorial de ne proposer aux salariés de base que l’équivalent/SMIC, non? N’est-ce pas une augmentation substantielle, ce + 0,5% du SMIC mensuel (72 euros pour douze mois), et donc du minima conventionnel d’ici ? Nous ne pourrons cette année augmenter l’encadrement de plus de 2,8 %, sachez-le.
 
Vous, Cher Edwy, si j’applique déjà ce chiffre à votre salaire de base, vous gagnerez 2800 euros de plus par an. Vous imaginez, comparé aux 72 euros annuels du bas de l’échelle?»
J’avais frappé très fort.
Un vieux restant de mes études chez les frères maristes qui nous imprègnent de règles simples, comme «…agir à l'intérieur des normes chrétiennes d'éthique et de solidarité.».

Edwy est sorti du bureau la tête lourde. Il avait la mine des mauvais jours.
J’aime bien l’humilier. 
On a toujours des problèmes avec ces gens si on ne tient pas serré le mors.

Demain, je pars à St Bart qui est un peu la Corse des Petites Antilles, mais sans Christian Clavier, ce qui est appréciable pour les  chefs de la Police.

J'y serai avec un Russe dont le grand père s'était mutiné sur le cuirassé Potemkine. On peut très bien vouloir investir dans le sucre de canne/biocarburant et être fils de marin, non ?

Nous serons logés dans l’ancienne maison de Rudolf Noureev.
Je vais m’y reposer un peu. Nous irons à la plage. Il y aura Victoria Silvstedt, Miranda Kerr , Ophélie Winter, Chloé Mortaud.
 
Après, je passe quelques jours en Touraine pour soutenir Hervé Novelli, un ancien pote d’Occident. 








The Cold Song by Henry Purcell (1659-1695)
"King Arthur", 1691
act 3, prelude et aria


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> mis en musique à partir de:



http://www.wk-rh.fr/annonces/html/fonction-salaire-directeur-des-ressources-humaines/16/1.5/1.5.1/enquete-hewitt-entreprise&carrieres-salaires-ressources-humaines.html


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(1) in « Comment obtenir le meilleur de ses collaborateurs »)


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Salaire médian DRH perçu en 2007 (fixe + variable) : 111 430 euros.
Dont variable : 15 %. Amplitude des rémunérations : 2,9.

Évolution des rémunérations fixes :
- de 2005 à 2006 : +4 %
- de 2006 à 2007 : +2,5 %

Comparaison avec quatre autres fonctions de direction
Directeur général Salaire médian (fixe + variable) : 271 314 euros.
Amplitude des rémunérations : 3,1.

Directeur de la communication Salaire médian (fixe + variable) : 127 114 euros.
Amplitude des rémunérations : 2,3.

Directeur juridique Salaire médian (fixe + variable) : 124 132 euros.
Amplitude des rémunérations : 3,2.

Directeur financier Salaire médian (fixe + variable) : 114 390 euros.
Amplitude des rémunérations : 2,9.

DRH Salaire médian (fixe + variable) : 111 430 euros.
Amplitude des rémunérations : 2,9.

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Salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC)
AnnéeSmic horaire brut en eurosSmic mensuel brut en euros pour 151,67h de travailSmic mensuel brut en euros pour 169h de travailDate de parution au JO
20108,861 343,77//
20098,821 337,70//26/06/2009
20088,711 321,02//28/06/2008
20088,631 308,88//29/04/2008
20078,441 280,07//29/06/2007
20068,271 254,28//30/06/2006
20058,031 217,881 357,0730/06/2005
20047,61//1 286,0902/07/2004
20037,19//1 215,1128/06/2003
20026,83//1 154,2728/06/2002
20016,67//1 127,2329/06/2001

 

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