dimanche 3 janvier 2010

> La petite entreprise du Président et les résidents de la République.

Ma petite entreprise. Paroles: Alain Bashung - Jean Fauque, musique: Alain Bashung
 

Souvenons-nous. Le 16 mai 2007, le nouveau Président élu disait ses premiers mots, martelant 10 Exigences comme l’Autre à Moïse les 10 commandements. A cette différence près que pour Moïse ce fut sous la dictée de Dieu et que Sarkozy dû se contenter d’Henry Guaino. Chaud devant.

Nicolas Sarkozy notamment, dans la 10 ème Exigence, indiquait vouloir « … rompre avec les comportements du passé, les habitudes de pensée et le conformisme intellectuel parce que jamais les problèmes à résoudre n’ont été aussi inédits. ». Là dessus, rendons-lui grâce : il a gagné. Il a bien rompu.Tout.

Mais aujourd’hui la 8 ème Exigence, « Exigence de résultat parce que les Français en ont assez que dans leur vie quotidienne rien ne s’améliore jamais, parce que les Français en ont assez que leur vie soit toujours plus lourde, toujours plus dure, parce que les Français en ont assez des sacrifices qu’on leur impose sans aucun résultat. », et la 9 ème Exigence, « Exigence de justice parce que depuis bien longtemps autant de Français n’ont pas éprouvé un sentiment aussi fort d’injustice, ni le sentiment que les sacrifices n’étaient pas équitablement répartis, ni que les droits n’étaient pas égaux pour tous. », viennent illustrer ce qui pourrait bien rester dans les annales du Michelin de la bouillie pour chat comme le 4 étoiles du parler pour ne rien faire. "... la capacité à dire tout et son contraire, cette caractéristique du sarkozysme." disait déjà Emmanuel Todd le 26 décembre 2009.

L’affaire est entendue. Il a entrepris de s’aider de la crise, qui elle même va l’aider à finir de tout casser. Mais, soudain, maquillage outrancier ou éclair d’humanité en lisant le prompteur, on l’aura vu crispé le soir de ses voeux, durant lequel il nous fit le coup du violon : il sait maintenant que le temps lui est compté et ne sait pas le cacher. Alors, il se dépêche dans son entreprise de démolition.

Son « entreprise ne connaît pas la crise », qui « épanouie, …exhibe » (pour le bonheur de la seule la bande du Fouquet’s) (1) « …des trésors satinés dorés à souhait ». Il « …bosse, le lundi, le mardi, le mercredi, le jeudi le vendredi, de l’aube à l’aube » « ordonne (des) expertises mais la vérité (l)’épuise ».

Alors, il insiste. Vous pouvez toujours essayer de le brancher résultat et justice : il saura vous dire que les Exigences 8 et 9 se sont perdues dans les caves dorées du Château de la Lanterne.

Sa présentation ne changera rien. Aveugle et sourd aux vérités ordinaires, sa « locomotive avance au mépris des sémaphores » sur les rails de la crise. Il « expose au firmament, suggère la reprise, embauche, débauche, inlassablement se dévoile » comme le grand démolisseur d’une république que nos anciens avait voulue partageuse. Quoi, il ne se sent pas aimé ? « Qu’importe, l’amour s’exporte ». Il « souque" et « toque ». Alain Bashung et Gaby doivent bien se marrer, là-haut.

Mais il ne suffit plus de s’embrasser les joues. Ou faire semblant de sourire.

En janvier 2010, il doit bien s’en trouver quelques uns qui pourraient nous aider, haut et fort, à comprendre ce qui se passe, hors commentaires éclatés, historien du présent. Pour nous aider à comprendre ce que nous voyons. Ce que nous ressentons. Ce que nous sentons aussi, car si nous constatons bien que ça sent mauvais, on ne sait où est cachée la bête et pourquoi ça pue.

Ceux là, intellectuels organiques, nous expliqueraient, même mal, ce qu’il pourrait advenir, à temps bref, de nos enfants après cette longue déchéance de nos structures sociales que nous aurons été incapables d’enrayer.

Ceux-là doivent bien exister, qui nous diraient dans quel gouffre nous conduit la pente prise depuis plusieurs décennies, exacerbée ces deux dernières, qui détruit les services publics les uns après les autres, fragilise l’emploi par des contrats de travail précaires, institutionnalise le chômage, taxe les accidentés du travail, casse les structures de la Justice, détricote le Code du travail, stigmatise l’immigré.

Ils nous diraient comment et pourquoi se déroulent à l’envers les images d’un film dont les acteurs politiques majeurs se surprennent à se découvrir de si petites différences.

Ils nous diraient pourquoi nous nous taisons si fort collectivement devant une catastrophe que chacun confusément pressent, sur la vision des autres qui s’approprient l’Histoire, la déforment, organisent leurs privilèges dans un vaisseau lancé sur une trajectoire folle qu’ils ne maîtrisent plus, avec en poche un billet sans retour, ce dont ils se moquent pourvu qu’ils aient pu jouir avant son implosion.

Pourquoi le Président de la République qui va gagner 19508 euros net par mois en 2010 soit « 1,2%” de plus par rapport à 2009, “ce qui correspond au montant estimé de l’inflation”… n’aura augmenté le SMIC que de 0,5 % pour 2010 ! Même pas honte, Monsieur le Président ?

Ils nous diraient pourquoi, comment et jusqu’où ira ce mécanisme anthropophage, dont les maitres queue du bien goinfrer nos faiblesses sont les actionnaires, les banquiers, les industriels et les fonds de pension, qui ont compris que leur avenir ici se fait contre le plus grand nombre et que pour se partager le grand gâteau qui reste, il faut affaiblir plus encore les plus faibles pour qu’ils n’aient plus aucune velléité de révolte.

Pourquoi ceux qui souffrent le plus du sort « moderne » fait au pays ne trouvent pas la force de se défendre, et pourquoi les autres qui le pourraient encore n’y pensent plus.

Peut-être diraient ils que notre démocratie est arrivée au bout de sa logique ? Et qu’en définitive, au regard de ce qui se passée ailleurs, notre civilisation est sur le déclin et donc qu’elle va mourir ?

Et s’ils nous disaient qu’il n’y a pas de fatalité ? Que ça dépend aussi de nous. Qu’en 2010, il y aura encore du grain à moudre : la directive Bolkestein remastérisée, la privatisation des soins après mise à mort de la Sécu, la “réforme” des retraites.

« Faisons l’effort de nous comprendre. Évitons les mots qui blessent » a cru bon d’ajouter le 31 décembre 2009 celui qui n’insulte jamais et fait des « efforts » pour comprendre les « résidents de la République » ou ce qu’il en reste.

A ce moment du voyage, qu’importent encore ses mots ?

« Aujourd’hui nos regards sont suspendus Résidents, résidents de la république Où le rose a des reflets de bleu Résidents, résidents de la république »
(Alain Bashung « Résidents de la République »)

Paroles et musique : Gaëtan Roussel.


(1) Fouquet’s « lieu de notoriété » qui « … a pu être, dans le passé, un lieu d’attraction pour la prostitution, le racolage et le proxénétisme. … et qui a ” …décidé de prévenir tout comportement susceptible de porter atteinte à la tranquillité de sa clientèle.”

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