mercredi 30 décembre 2009

> les socquettes Olympia à Catherine Rambaud



Résumé de l'affaire : « En 2005, Catherine Rambaud P-DG des chaussettes Olympia supprimait près d'un emploi sur deux dans l'usine de Romilly, dans l'Aube, et délocalisait la production en Roumanie. Aujourd'hui, la ville est divisée entre ceux qui ont sauvé leur emploi et ceux qui l'ont perdu. Ces derniers ont attaqué Catherine Rambaud en justice et ont gagné »
 

Un débat s'est engagé sur MédiaPart à partir d'un article « Licenciements : qui veut gagner des millions ? » axé sur une situation bien singulière vécue à Romilly sur Seine, dont le sujet est la condamnation par la Cour d'Appel de l'entreprise Olympia qui fabrique des chaussettes en France... et en Roumanie.

"Le fabricant de chaussettes (a) été placé en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Troyes. Il s'agit du cinquième plan social de l'histoire de ce site." " ... Selon la direction, le coupable d'une bonne partie de ses déboires financiers est... le conseil des prud'hommes de Troyes. En mai 2009, 47 anciens salariés, licenciés en 2006, ont obtenu 2,5 millions d'euros d'indemnités. Motif: la célèbre marque de chaussettes aurait dû, avant de les licencier, leur proposer des postes dans son usine roumaine, où travaillent 450 personnes, pour un salaire évidemment bien moindre" ...

"Olympia ne l'avait pas fait. Et pour cause: au moment du plan social, direction et comité d'entreprise avaient décidé que le reclassement en Roumanie, solution alors jugée «indigne», ne serait pas proposé aux salariés". La cour d'appel de Reims avait confirmé le jugement rendu par les prud'hommes de Troyes en avril 2006.

LE FOND.

D’accord sur cette affirmation: « attaquer son patron s’il n’a pas respecté la procédure de licenciement, ça marche à tous les coups ». Heureusement, d’ailleurs ! Voilà qui ne supporte pas le débat, y compris devant le juge. Le constat est suffisant. Mais alors, quoi de plus normal pour les citoyens d’ici que d’avoir à respecter des règles ?

Mais non, la sanction pour ce non respect ça ne rapporte jamais « gros ». Il suffit d’écumer les Conseils de Prud’hommes et les Cours d’Appel pour en convenir.

Et non, la jurisprudence n’est pas pointilleuse. Simplement, gardienne du temple des lectures tripotées des Lois, elle s’applique à tous. A nos députés de travailler les textes mal ficelés, sinon! Mais on sait bien que parfois, (souvent) les jurisprudences prises arrangent ceux qui font les Lois, paradoxalement, pour que ces législateurs s’en lavent mieux les mains de peur d’avoir à se les salir. En somme, il revient à d'autres la tâche d'interpréter, recadrer, ramener au possible d'une pensée ce que certains, gougnafiers ordinaires, ont lâché dans la nature sans trop réfléchir à l'effet papillon.
Que la justice soit exigeante, formaliste, qui s’en plaindra ? Elle nous distingue et nous protège d'autres barbaries.

Oui, des procédures strictes, codifiées, sur les tentatives de reclassement sont prévues.
« Imparable » affirme le journaliste: la sanction pour l’employeur qui n’obéit pas au formalisme en la matière ne peut être évitée. Elle est bien bonne ! Et les experts en droit du travail, les DRH, les avocats d’entreprises, ils ne pourraient pas "parer" "l'imparable"? C'est à dire appliquer la Loi ? C’est leur faire injure !


La vérité est ailleurs : le juge vérifie que la Loi est appliquée, qu’on ne fait pas semblant de reclasser, que toutes les mécanismes de reclassement ont été sollicités. Il essaie de vérifier avec les éléments portés à sa connaissance que personne n’opère de mouvements dilatoires et vérifie ce geste positif de la lettre recommandée expédiée qui dit oui, qui dit non, mais qui prend acte et prend date. Comme une signature de ce qui a été fait ou tenté. Pas comme un solde de tout compte. Et quel qu’en soit l’endroit, y compris « partout » si l’entreprise à des établissements hors de France. Tous les avocats savent cela. Il faut rendre les choses vérifiables par la Justice en cas de contestation. Pour la "morale" ou l'indignation" sur les décisions structurelles  prises ou non prises par l'employeur, c'est sur l'autre quai, en face.


Le fond de l’affaire est aussi ailleurs, dans cette affaire gigogne : dans cette histoire comme dans d’autres, parmi les justiciables, il y a le fort et le faible. Et, pour celui des deux qui jouit le mieux de la vie, les délices du risque calculé. Y compris en « endormant », peut-être, - il faut vérifier - des institutions du personnel ou des consciences. Mais alors, quand ça ne marche pas, qu’on nous épargne les cris d’orfraie de l’arroseur arrosé ! 

L’affaire, justement, prend une drôle de tournure quand on lit qu’Olympia n’a pas tenté au préalable de reclasser les salariés menacés de licenciements : « Olympia ne l'avait pas fait. Et pour cause: au moment du plan social, direction et comité d'entreprise avaient décidé que le reclassement en Roumanie, solution alors jugée «indigne», ne serait pas proposé aux salariés. ».

L’Usine Nouvelle.com disait la même chose le 28 mai 2009: « c'est en parfait accord avec les partenaires sociaux de l'époque que l'entreprise avait proposé un large choix d'offres de reclassement… qu'ils étaient volontaires au départ ou avaient refusé les propositions de rester. ».

Donc, en voilà deux qui disent des choses vérifiables:

> Oui ou non le CE de l’entreprise a-t-il été consulté ?
> Vrai ou pas que les « partenaires sociaux » sont tombés d’accord sur des non propositions de reclassement ? Il existe bien des traces écrites, non ? Des comptes rendus de CE, d’entretiens, de débats entre salariés et délégués du personnel, etc.…

Et puis, on aurait bien aimé lire une copie du Jugement prud’homal initial, celui de la Cour d’Appel, où doivent figurer les vraies motivations des juges, qui dépasseraient bien, et de loin, le simple constat d’absence de proposition de reclassement dans l’ensemble du groupe. Pourquoi la CGT en ferait des confitures? On attend de voir.
En attendant, l’association de garantie des salaires AGS pleure aussi, elle qui a pour vocation de se substituer aux employeurs défaillants… Mais pourquoi pleure t-elle ?
« Excès de formalisme de la loi » dirait Thierry METEYE ! Ce même Thierry METEYE, directeur de la Délégation Unedic AGS qui disait en novembre 2002, l’AGS « …est l’expression de la solidarité des employeurs, formidable et efficace outil de paix sociale. » ? « La paix sociale » ?


Si, dans les Conseils de Prud’hommes de France on pouvait filmer les contestations systématiques de cet organisme "AGS lorsque les dommages intérêts octroyés au salarié constituent la sanction d’un manquement de l’employeur à ses obligations contractuelles », les empilements de bobines seraient grandioses. En définitive, on veut pouvoir licencier, mais sans coût social. A la fin du film, Thierry METEYE « s’insurge contre une interprétation jurisprudencielle défavorable à l’AGS. » et Madame Catherine Rambaud, avocate de métier, pleure sur le Droit. 

Et puis, arrive la bonne vieille ficelle qu'on renoue pour opposer les salariés entre eux quand en fait c’est le libéralisme débridé qui nous fait la mise en scène, contenue dans cette question-réponse dans L’EST- Eclair du 20 novembre 2009 :
> question: « La santé d'Olympia est-elle aussi précaire qu'on le dit ?
>
réponse : « Nous n'avons pas de trésorerie d'avance. Seul le Crédit lyonnais a continué à nous accorder sa confiance en nous accordant un découvert de 1,5 M€. Depuis 2006, je n'ai jamais pu trouver le moindre soutien de la part des organismes financiers. Pourquoi ? Parce qu'ils trouvent que nous avons trop de salariés. Ce que j'entends depuis un an de leur part, c'est "Mme Rambaud, commencez à licencier votre sureffectif et après on discutera". »


Bien entendu, Olympia va devoir fermer, parce que la liquidation judiciaire est la prochaine étape après les nouveaux licenciements en cours... dont les 47 premiers ne sont pas responsables.

Et finissons de regarder les choses en face : ce n’est pas Olympia qui va payer. Mais les AGS ! Il suffit de lire les deux dernières lignes du billet de lAFP


En tout cas, répétons-le, ce sera aussi de la faute des financiers, de la bouche même de Catherine Rambaud : « Nous n'avons jamais été aidés, plaide Catherine Rambaud. Les financiers n'ont jamais souhaité s'adosser à Olympia dans le cadre d'une recapitalisation. » (21 novembre 2009). La boucle est bouclée.

La seule note d’humour nous est donnée par cette information : l’appel à l’aide de Madame Catherine Rambaud, PDG d’Olympia a été entendu « par la salle et Laurence Parisot » lors d’une réunion de MEDEF attitude en juin 2009, et cette autre: le Medef a apporté son soutien à Olympia le 2 juillet 2009, « parce que des requérants de mauvaise foi risquent d’emporter l’entreprise » Salauds de requérants! 



Voilà qui tombe sacrément bien ! L’institution prud’homale, justement, fait l’objet de soins intensifs et actuels de la part du gouvernement Fillon, qui veut la supprimer. Parce que ce paritarisme là, même parfois conflictuel, ce gouvernement n’en veut plus. Place aux pros.

Alors, du coup, personne ne pourra plus dire que les salariés attaquent « sans frais » les employeurs dans le contrat de travail: il leur faudra passer bientôt par des avocats très chers, et devant des juges professionnels… qui même talentueux, n’auront jamais connu le monde de l’entreprise. Bye bye le paritarisme.
Et bonjour la tranquillité pour le patronat le plus musclé. Enfin la paix sociale, la fin « du gâchis » des lois « idiotes ».

On ne pourra plus dire, comme Catherine Rambaud, PDG d’Olympia qui a défendu la maison en tant qu’avocate pendant vingt ans avant d'en prendre la présidence à la demande de l'héritière que « la justice menace Olympia ». 


On pourra tranquillement vivre sans avoir peur de rien et faire des socquettes en Roumanie, pas cher, pour continuer de les vendre en France au même prix qu’une confection made in France.  Fûté, non ? 
Les licenciements à venir seront plus que jamais des variables d’ajustement. La morale sera sauve. Ouf ! 

Et puis, débarrassée de ces soucis, Catherine Rambaud (qui a la fibre Olympia mais pas que celle-là), pourra se lancer dans la politique. Parce que, professionnellement, avocate de formation et de pratique, n’en parlons plus : elle est cuite ! 

Figurez-vous que cette ancienne et talentueuse avocate, qui a prêté serment au barreau de Paris en 1974 a, à 55 ans, relevé un « un défi » et changé « de vie » : elle a démissionné du barreau en mars 2006, prit 20 % du capital de la société Olympia et s’est installée « trois jours par semaine dans un gîte rural de Romilly. » Ce qui est déjà formidable d'abnégation. 


Mais, par contre, point noir de sa mutation citoyenne, depuis, elle n’a pas pu suivre des cours de rattrapage juridique sur le code du travail. Ça s’est bien senti : elle, si brillante avocate, n’a pu éviter à Olympia cette actualité brûlante, parce qu’elle ne connaissait pas les jurisprudences constantes en matière de reclassement préalable à un licenciement économique. On croit rêver. D’anciens de ses confrères doivent se cacher les sourires dans leurs manches. 

Mais les sourires se figent, quand on entend Catherine Rambaud confier: « Mais avant de dépenser un sou , je regarde s'il m'en fera gagner. Je suis auvergnate.» Les 47 justiciables ont du souci à se faire ! Et surtout, un conseil aux 47: qu’ils ne dépensent pas le fric qu’ils n’ont pas encore perçu ! Des fois qu’ils perdent en Cassation. 


Bonne chance à Madame Catherine Rambaud, qui aura su faire s’opposer les salariés entre eux. Avant de tous les licencier. 

Elle a bien d'autres talents, comme le montre la vidéo ci-dessous, où,  comme un Bernard Tapie des temps modernes, elle fait aussi du cinéma (dans un rôle à la Josiane Balasko), pendant que Michel Pébereau, Frank Riboud et Pierre Kosciusko-Morizet s’entraînent à jouer au « plus-Bruce-Willis-et–George-Clooney-que-moi-tu-meurs » en une symphonie microcrédit

Le coup de la chaise qui s’effondre sous Catherine Rambaud, c’était bien vu.
Prémonitoire et bien vu.
La démonstration "les patrons sont des gens comme vous" réussie? 



Euh ! ... je viens de regarder leurs salaires, (ici et ici), il faut que je réfléchisse.

>  voir l'article Médiapart





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